Agro-écologie : « Identifier les freins et les dynamiques spontanées », Florent Bidaud, ministère de l’Agriculture
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Dans le cadre du rapport de Marion Guillou sur l’agro-écologie, le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture a procédé à une revue des travaux récents sur le changement en agriculture. L’idée était à la fois d’identifier les freins et les ressorts des dynamiques de transition. Référence environnement s’est entretenu avec Florent Bidaud, un des auteurs de l’étude, chargé de mission sociologie du monde agricole, ruralités, action collective du Centre d’études et de prospective, sur les ressorts à activer pour favoriser le changement de pratique sur le terrain.
Aller plus loin que l’opposition entre « pionniers » et « suiveurs »
« Une première clé de lecture consiste à distinguer les différents profils dans la population concernée par une innovation ou un changement organisationnel. C’est un classique du développement agricole, avec le thème de la « vulgarisation par-dessus la haie » : certains ont de l’attrait pour l’innovation, d’autres sont attachés à leurs traditions, à leurs habitudes, ou moins enclins à prendre des risques. L’imitation et l’influence des pairs sont importantes. Pour ceux qui accompagnent le changement, il faut trouver la bonne manière d’atteindre le seuil de basculement vers l’acceptation de cette évolution selon les profils. Les pionniers seront stimulés par les démarches de type concours, appels à projets. Les autres seront plus faciles à toucher à travers des actions de groupes.
Ce type d’approche est à la fois efficace et réducteur. Il a pour inconvénient de figer la réalité, alors que nous sommes souvent pionniers ou suiveurs à différents moments de notre vie. »
Le conseiller, des rôles différents dans la chronologie du changement
« Il est important de comprendre la dynamique de changement. Pour passer de la routine du régime de croisière à une posture de changement, un élément déclencheur est souvent nécessaire. L’action du conseiller agricole vecteur du changement aura d’autant plus de portée qu’elle intervient après cet élément déclencheur, et que l’agriculteur se sent prêt à changer. Avant, l’agriculteur sera moins réceptif, mais il est important de le sensibiliser malgré tout pour lui donner des repères. Une fois la réflexion engagée, l’accompagnement doit comprendre des éléments d’assurance pour faire face aux aléas et incertitudes. Il faut veiller à ce que l’agriculteur soit acteur et pas seulement applicateur. »
Des éléments favorables à un changement pérenne
« La recherche bibliographique montre qu’une corrélation d’éléments favorables peut permettre qu’un changement se pérennise dans le temps.
- Parmi ces éléments, l’appréhension progressive de la nouveauté garantit plus de robustesse. C’est d’autant plus vrai dans le cas de l’agro-écologie, porteuse d’une complexité qui nécessite un temps d’apprentissage.
- La dynamique collective est un autre atout. L’appartenance à un réseau rassure, et permet notamment de consolider davantage la phase « expérimentation » d’une nouveauté. Les nouvelles pratiques sont testées par plus d’exploitants, dans des contextes variables.
- L’approche filière et/ou territoriale est le troisième facteur. Appréhender le changement via le seul prisme agricole est insuffisant. Si une rotation longue implique de semer des nouvelles cultures pour lesquelles aucun débouché n’existe, personne ne l’appliquera. Mutualiser et coordonner les productions par zone, par exemple au sein d’une coopérative ou d’un GIEE, et co-construire un débouché avec l’aval, sont des pistes pour déverrouiller ce type de situation. »