Barrage de Sivens : réunion déterminante au ministère de l’Ecologie
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S’agissait-il de préparer l’opinion et les acteurs locaux à l’abandon du barrage ? L’exercice auquel s’est prêtée Ségolène Royal le 2 novembre devant les micros d’Europe 1 le laisse penser. « Il y a eu manifestement une erreur d’appréciation (…) Aujourd’hui, une décision de construction d’un ouvrage tel que celui-ci ne serait plus possible », a-t-elle souligné. Deux jours auparavant, le Conseil général du Tarn a suspendu les travaux du barrage qui avaient débuté début septembre en prenant acte de l'« impossibilité de poursuivre toute activité ». L’assemblée départementale n’a toutefois pas parlé d’abandon du projet et avait demandé à l’État d’assumer ses responsabilités.
Abandon ou remise à plat
Ségolène Royal peut-elle prendre seule la décision d’abandonner le projet de barrage de Sivens, même si, selon les auteurs du rapport d’expertise remis le 27 octobre, « une intervention ministérielle n’aurait pas de base légale » ? Une hypothèse à laquelle se rallient les opposants les plus résolus au projet, favorables à un moratoire. Mais comment réagiraient tous ceux, en particulier les agriculteurs, concernés et favorables au projet ? Le président de la FNSEA, Xavier Beulin, a déjà menacé : « Je n’ai qu’à lever le petit doigt, a-t-il assuré, pour mobiliser 3 000 à 4 000 agriculteurs sur le site ». Dans un communiqué commun publié le 30 octobre, de nombreux acteurs du Midi-Pyrénées et d’Aquitaine, notamment les Chambres d’agriculture, de commerce et d’industrie, ont appelé au maintien du projet, déclaré d’utilité publique. « La violence ne doit pas s’opposer aux règles démocratiques et aboutir au blocage des projets de développement, nécessaires à l’économie », selon le texte, également signé des Fédérations des syndicats d’exploitants agricoles et Jeunes agriculteurs.
Les élus « ne peuvent pas faire autrement » que suspendre le chantier, déclare à l’opposé Ben Lefetey, porte-parole du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, qui regroupe de nombreux opposants. « J’espère qu’on va pouvoir entrer dans l’expression des alternatives au projet de Sivens », a ajouté de son côté le député européen écologiste José Bové. Pour sortir de l’impasse, Guillaume Peltier, vice-président de l’UMP et Pouria Amirshahi, député PS, proposent quant à eux un référendum local. « Donner la parole au peuple, c’est sortir par le haut », considèrent-ils de concert. Les agriculteurs bio regroupés au sein de la Fnab demandent à l’Etat d’agir pour développer l’agriculture biologique sur les zones à enjeux environnementaux.
Des solutions alternatives
Les agriculteurs tarnais et leur principal syndicat, la FDSEA 81, s’accrochent à l’idée que le ministère de l’Ecologie va suivre les orientations dictées par le rapport Forray-Rathouis. Il estime « peu réaliste » un abandon du projet, préconisant une meilleure réallocation des volumes d’eau (moins pour l’irrigation, plus pour l’étiage du Tescou, l’affluent du Tarn concerné) et un montage financier plus stable. Les associations de protection de l’environnement proposent des solutions plus radicales : une « approche intégrée de l’eau sur les territoires » qui passe notamment par la diffusion des pratiques et systèmes agronomiques qui valorisent le stockage de l’eau dans les sols notamment grâce à l’humus, des économies d’eau à travers le choix de cultures (sorgho, tournesol…) moins gourmandes en eau que le maïs, enfin, la création de petites réserves d’eau au niveau des fermes qui en sont dépourvues.
Un lac de 1,5 million de m3
Le projet de construction d’une retenue d’eau sur la rivière du Tescou avait été approuvé en mai 2013 par le Conseil général à une large majorité, un seul des 46 conseillers généraux se prononçant contre. Situé au niveau de la forêt de Sivens dans le Tarn, près du lieu-dit Testet sur la commune de Lisle-sur-Tarn, le barrage fera 304 mètres de large pour 12 mètres de hauteur et 2 kilomètres de long. Il créera ainsi un lac de 1,5 million de m3. Le coût du projet est évalué à un peu plus de 8 millions d’euros. Il est entièrement financé sur des fonds publics, de France et d’Europe : 4,2 millions d’euros pour l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, 1 million d’euros chacun pour les Conseils généraux du Tarn et du Tarn-et-Garonne et enfin 2 millions via le fonds européen Feader.
Le barrage a essentiellement pour objectif de constituer une réserve d’eau pour les agriculteurs du département. Selon la déclaration d’utilité publique obtenue en 2012, 30 % de l’eau sera destinée à l’augmentation du débit d’étiage du Tescou, et ce afin d’améliorer la « qualité biologique » du cours d’eau, et 70 % sera destinée à l’irrigation.
Le problème réside dans le fait que la forêt de Sivens à l’endroit où est prévu la retenue d’eau constitue une des deux seules « zones humides » du département. Plus de 94 espèces protégées y sont recensées. Les promesses de compensation à hauteur de 200 000 euros, qui consistent à restaurer une parcelle de peupleraie un peu plus loin, sont jugées insuffisantes par les écologistes. Ces derniers s’appuient sur l’avis négatif du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel en décembre 2013 et de celui du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) en septembre 2013.
Combien d’agriculteurs sont concernés par le projet ? Quatre-vingt-un dit le Conseil général, 19 affirment les opposants, les auteurs du rapport d’expertise s’en tiennent à 40.