Bio, végétariens, anti-élevages, les négociants de l’Ouest analysent les tendances sociétales
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« Nous n’avons jamais vu un tel changement, reconnaît Xavier Terlet, directeur de protéines XTC et spécialiste en tendances alimentaires. La moitié des produits qui feront le chiffre d’affaires dans cinq ans sont encore à créer. L’enjeu est énorme. » Il était invité au deuxième congrès de la fédération du commerce agricole et agroalimentaire, FC2A Ouest, qui s’est tenu le 7 juin à Vair-sur-Loire sur le thème « Évolutions médiatiques et sociétales : comment s’adapter, subir ou anticiper ? »
Les dirigeants de la structure, qui regroupe des négociants agricoles, ont souhaité les aider à mieux connaître l’évolution des tendances alimentaires. « Comme nous l’avons constaté aux élections européennes, l'environnement devient un enjeu central pour les citoyens, reconnait Frédéric Tijou, directeur des Ets Tijou. Les mouvements contestataires montent en puissance. Nous devons être présents et accompagner les agriculteurs vers des pratiques plus vertueuses. » La prise de conscience est donc bien là, mais reste à savoir ce que veut vraiment le marché.
Les spécialistes voient émerger un super consommateur avec des supers pouvoirs : il veut mieux connaître les produits, cherche la vraie information pour choisir et peut passer à l’acte à l’instar de la destruction des boucheries. Une mouvance qui s’appuie sur le développement du digital et des réseaux sociaux. « Le consommateur veut notamment des garanties sur la conception écologique de l’emballage, le juste prix pour l’agriculteur, le local et le bien-être animal, précise Xavier Terlet. Citant des exemples : le vrac a été multiplié par huit en trois ans dans la grande distribution, la marque « C’est qui le patron ? » connaît une progression fulgurante. « Il faudra faire avec des caméras dans les abattoirs », ajoute-t-il.
Bio, le label ne suffit plus
Dans cette tendance, les achats de produits bio ont explosé ces dernières années. « Le marché s’élève à près de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018, ajoute le spécialiste. Toutes les entreprises veulent leur part du gâteau : de Henaff à Mousseline, en passant par Danone, la grande distribution. » Mais même le bio ne suffit plus et commence à susciter des doutes. « Le produit doit avoir d’autres valeurs : produit localement, avec une économie en matière plastique… ajoute-t-il. Nous nous dirigeons vers un bio augmenté. »
Végétarien gourmand
Les produits végétaux ont également le vent en poupe, avec une place à prendre pour les légumineuses. « Avant, l’argument santé prévalait pour ce secteur. Désormais, les marques communiquent sur le végétal gourmand, explique Xavier Terlet. Du végétal, oui, mais avec plaisir. » Sans oublier l’engouement pour les produits « sans » : sans nitrite, pesticide, sucre, etc. « Une molécule indésirable sort tous les quatre matins dans la presse : restez attentifs », conseille-t-il.
Répondre positivement aux anti-élevages
La place de plus en plus importante des mouvements anti-élevages dans l’espace médiatique était aussi au cœur des préoccupations. « Le consommateur est soumis à deux injonctions : les acteurs de la viande avec une approche fonctionnelle et marketing, et les abolitionnistes qui ont une approche politique et veulent donner du sens à l’alimentation, explique Hervé Le Prince, directeur de l’agence de communication Newsens. Le monde agricole doit sortir du marketing produit pour réaffirmer son humanité et raconter des histoires. Vous avez un rôle à jouer en ce sens, notamment sur les réseaux sociaux. »