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Certiphyto : le dialogue à l’essai

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Après avoir calé plusieurs fois au démarrage, la phase expérimentale du Certiphyto, prévue en 2010, bat aujourd’hui son plein. Dans quel état d’esprit et avec quels moyens se déroulent ces formations ? Reportage en région Centre. « Cette formation, ça n’est pas la messe : c’est un moment d’échanges entre praticiens des produits phytosanitaires. » Le ton est donné d’emblée par François Alin, le formateur, qui ouvre devant treize agriculteurs la première de ces deux journées de formation Certiphyto organisée par la coopérative Epis-Centre, près de Bourges. Pas de sermon, donc, puisque la discussion s’établit dès les premiers instants. Le Certiphyto pose question : « va-t-il remplacer le Dapa* ? », « Tous les associés ou salariés d’une exploitation doivent-ils le détenir ? » La preuve par le concret Equipement et contrôle du pulvérisateur, gestion des effluents phytosanitaires sont abordés dans un esprit de dialogue et sous un angle pragmatique. Moins connus, le transport des produits phytosanitaires de la coopérative à la ferme ou l’épandage des effluents au champ méritent un rappel. Programme officiel oblige, la notion de risque, le raisonnement des traitements, la lecture des étiquettes sur les emballages ou encore l’effet des produits sur l’environnement sont tout simplement passés en revue de façon plus théorique. Munis de boîtiers, les agriculteurs sont invités régulièrement à répondre à des QCM sur leurs pratiques. François Alin rebondit sur les résultats qui s’affichent immédiatement. « Avec cet outil, je sais directement où en sont mes interlocuteurs, commente-t-il. Les résultats sont anonymes : chacun peut se situer par rapport au groupe ». Les participants se prêtent d’ailleurs au jeu de bon cœur et commentent entre eux les résultats. Point phare de la formation, la protection de l’utilisateur. C’est un intervenant de la MSA, Sylvain Huet, qui explique les risques liés aux produits phytosanitaires, les phrases de risque et pictogrammes des emballages,… Mais ce sont les équipements de protection individuelle (EPI) qui soulèvent le plus de questions : quelle combinaison acheter ? Que faire des EPI usagés ? Des solutions agronomiques en perspective Second grand axe de la formation, les méthodes alternatives sont abordées par Jean-Luc Pereau, d’Epis-Centre. Il commente la situation régionale en termes de maladies et de méthodes de lutte agronomique, explicite les indicateurs IFT (indicateur de fréquence de traitement) et Nodu (nombre de doses unités)**. Graphes à l’appui, il expose les résultats des essais régionaux de variétés. Allongement des rotations, binage… Certaines méthodes sont bien connues et acceptées. Mais l’assistance sourit lorsqu’on évoque le semis de nuit et soupire franchement quand on parle de changement des systèmes de production et d’agroforesterie. Enfin, une visite de terrain clôt la formation. Le groupe discute autour d’installations flambant neuves : phytobac, local phyto, aire de remplissage…, sur le site du lycée agricole voisin. Trouver une véritable ferme « modèle » à proximité des lieux de stage n’est malheureusement pas toujours facile, note le formateur. Pourtant, cela présente un réel avantage, car c’est en discutant avec un chef d’exploitation que les agriculteurs pourront imaginer les aménagements possibles chez eux, explique-t-il. Un regret : par manque de temps avant le lancement de la phase expérimentale du Certiphyto, les organisateurs n’ont pas pu finaliser de document synthétique et exhaustif pour les agriculteurs sur l’ensemble de la réglementation et des bonnes pratiques. Aujourd’hui ils repartent avec divers documents et dépliants hérités de formations antérieures au Certiphyto. Avant de se quitter, les agriculteurs passent un quizz, une sorte de « Certiphyto blanc ». Résultat : de 70 à 92 % de bonnes réponses. « C’est dans la moyenne des résultats obtenus dans l’ensemble des formations Certiphyto, précise le formateur. Les agriculteurs qui n’ont pas suivi la formation obtiennent environ 30 % de bonnes réponses. » Les rappels et les points approfondis au cours de ces deux journées auront donc été bénéfiques ! *Ce diplôme autorise à appliquer les traitements à titre professionnel chez un tiers. **Ces deux indicateurs doivent permettre de suivre la réduction progressive de l’usage des pesticides. L’IFT, pour indicateur de fréquence de traitement, rend compte de cette évolution à l’échelle de l’exploitation et le Nodu (nombre de doses unités) à l’échelle nationale. Phase expériementale pour le Certiphyto En 2014, détenir le Certiphyto sera obligatoire pour tous les professionnels qui voudront appliquer, vendre ou conseiller l’emploi de produits phytopharmaceutiques. Près de 800 000 personnes sont concernées. Certains pourront l’obtenir d’emblée grâce à leurs diplômes, mais d’autres devront passer par la case formation ou test QCM. C’est ce dispositif de formation et de QCM qui est en cours d’expérimentation depuis novembre 2009 et jusqu’à fin décembre 2010. Plus de 350 organismes, agréés par le ministère de l’Agriculture, assureront cette année les formations.