Cruiser : Le Foll décide de suspendre l’autorisation sur colza
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Stéphane Le Foll, ministre chargé de l’Agriculture, a précisé, le 1er juin, qu’il avait décidé de retirer l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR, le traitement de semences de colza à base de thiamétoxam de Syngenta. La firme dispose désormais, conformément à la procédure contradictoire réglementaire, d’un délai de quinze jours pour faire part de ses observations. Cette décision fait suite à l’avis de l’Anses, remis en mains propre le matin même au ministre par Marc Mortureux, directeur général de l’Anses : cet avis, qui résulte d’une saisine du ministère suite à la publication dans la revue Science d’une étude de l’Inra/Acta/CNRS/Adapi(1) (voir l’article Le Cruiser OSR sur la sellette), confirme l’effet néfaste observé d’une dose sublétale de ce traitement de semences sur le retour à la ruche des abeilles butineuses. « L’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), saisie du même sujet par la Commission européenne, a été associée à l’expertise de l’Anses, et aboutit, dans son avis publié également ce matin, à des conclusions comparables », a complété le ministre qui demande par ailleurs à la Commission européenne de réexaminer les conditions d’approbation de la substance active pour son utilisation en traitement des semences de colza. L’Anses, en lien avec l’Efsa, souligne par ailleurs la nécessité de poursuivre les travaux de recherche et appelle à une évolution de la réglementation européenne pour intégrer à l’évaluation des produits phytopharmaceutiques des expérimentations permettant une meilleure prise en compte des effets sublétaux d’une exposition aux néonicotinoïdes. Elle rappelle enfin la nécessité d’une approche multifactorielle des risques pour lutter efficacement contre le phénomène de mortalité des abeilles. Les réactions ne manquent pas… L’Unaf et Générations futures ont de suite réagi à l’annonce du ministre, se félicitant de cette première décision du nouveau gouvernement. L’Union nationale de l’apiculture française, cependant, « rappelle que le pesticide Cruiser est également autorisé sur d’autres cultures comme le maïs » et souhaite donc que le ministre aille plus loin pour sauver l’apiculture. Ce souhait est également formulé par France nature environnement (FNE), qui recommande « d’appliquer le principe de précaution et d’interdire tous les pesticides à base de néonicotinoïdes, qui sont dangereux pour les abeilles ». Syngenta, pour sa part, dénonce « une décision qui utilise comme prétexte une seule expérience non validée et très éloignée de la pratique agricole ». Selon la firme, 650 000 ha ont été protégés avec le Cruiser OSR en France, soit près d’un hectare de colza sur deux, et près de 3 millions d’hectares en Europe, cela sans incident lié à son utilisation. « Le produit a confirmé toute son utilité en protégeant le colza contre les principaux ravageurs et 85 % des agriculteurs veulent le réutiliser. » La firme précise par ailleurs que « contrairement à ce qui a été écrit à de nombreuses reprises, Cruiser OSR est autorisé et largement adopté par les agriculteurs en Allemagne, au Royaume-Uni et dans les principaux pays d’Europe producteurs de colza ». La FOP, Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux, s’étonne d’une décision qui « semble disproportionnée par rapport aux conclusions contenues dans le rapport de l’Anses », et rappelle la nécessité, pour les producteurs français, de disposer de moyens de protection des cultures efficaces, « qui leur permettent d’avoir les mêmes solutions que leurs homologues européens ». Enfin, la Coordination rurale et l’Organisation des producteurs de grains s’étonnent qu’une autorisation de mise sur le marché délivrée il y a un peu plus d’un an puisse être retirée en aussi peu de temps, et s’interrogent « sur le sérieux de certaines autorités qui délivrent ou retirent des molécules du catalogue phytosanitaire ». (1) Association pour le développement de l’apiculture provençale, déclinaison régionale de l’Itsap-Institut de l’abeille.