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Dephy, privilégier la dynamique de groupe et mieux gérer les risques

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Tout l’enjeu de la transition vers des systèmes de production économes en pesticides repose sur la façon de considérer le métier d’agriculteur. Tel est le constat qui ressort de la matinée d’échanges du réseau Dephy qui s’est tenu les 13 et 14 novembre à la Cité des sciences, à Paris. Melissa Dumas, animatrice au sein du réseau Civam, estime que rien n’est plus efficace que la dynamique de groupe : « C’est compliqué si l'agriculteur ne fait pas partie d’un collectif de pairs afin de se rassurer, de combiner les enseignements avec un accompagnement individuel. »

Véronique Laudinot, ingénieure technique réseau Dephy dans les Vosges, complète en précisant la posture du conseiller au sein de ces groupes d’agriculteurs : « Une parole de conseiller restera une parole de conseiller, il n’y a qu’entre pairs qu’on peut se rassurer. Quand chacun teste, le groupe va plus vite. Et ce n’est pas possible d’animer un groupe si on ne connait pas chaque cas. » Le bon format pour que cela marche ? Quatorze agriculteurs, grand maximum ! Quant au rôle du réseau Dephy dans le cadre de la séparation de la vente et du conseil, il sert plutôt de modèle de fonctionnement selon Véronique Laudinot : « Dephy fait de l’accompagnement stratégique. Nous avons éprouvé une méthode, nous espérons que cette expérience va diffuser. »

Enjeu de la diffusion des pratiques

L’enjeu est toutefois de sortir de ce réseau de pionniers et d’amener le plus grand nombre d’agriculteurs à adopter ces pratiques. Formation, interventions en lycée agricole, retour d’expériences à travers les vidéos, communication locale, engagement dans l’appel à projets « 30 000 », comme c’est le cas de la coopérative EMC2… font partie des solutions mise en avant.

Lorraine Berthaud-Briard, ingénieure régionale Dephy référente pour la coopérative EMC2, témoigne des attentes de ses adhérents : « Ils demandent de l’accompagnement pour changer, mais en gardant intacte leur rentabilité. Dans cette optique, nous avons créé, sur la base du volontariat, des groupes dénommés « Agile ». 184 adhérents sont répartis dans 14 groupes, dont 11 sont labellisés « 30 000 ». Nous impliquons aussi les techniciens dans l’animation de groupes. Ce qui fonctionne ? L’échelon départemental de chaque groupe Agile. Nous pouvons ainsi mieux réunir et impliquer les agriculteurs. »

Rémunérer la prise de risque

Partant sur ces dynamiques, la réduction de 50 % des produits phytosanitaires en 2025 est-elle possible ? Même si les résultats sont encourageants, la réponse des conseillers ressort en demi-teinte. Car la prise de risque est bien réelle, comme l’a d’ailleurs souligné un viticulteur de l’Aude. Membre du réseau, il a perdu 60 % de sa récolte cette année. Cette région a été fortement impactée par la pluie au moment de la formation des grappes, et il fallait suivre les cadences de traitement avec des fongicides conventionnels pour limiter la casse.

Ce qui pose la question du soutien financier dans ces périodes de transition et de la limite à se fixer pour ne pas mettre en péril le résultat. Une part des connaissances reste à acquérir : « Les systèmes dans le réseau Dephy Expé manquent de références, nous devons aller plus loin avec la prise de risques et en associant des experts, souligne David Lafond, chef de projet Dephy Expé. Pour un agriculteur, il faut une diversification des filières afin de rémunérer cette prise de risque. »

L’exemple de ce groupe d’agriculteurs de l’Est, qui avaient introduit de la lentille pour allonger la rotation, se révèle explicite : ils n’ont pas pu continuer sur cette voie, faute de débouchés locaux, notamment dans les cantines scolaires ! Marie Courseau, étudiante en BTS au lycée agricole Naturapolis de Châteauroux, compte s’installer sur la ferme familiale. Elle pense s’engager dans ce modèle de pratiques, mais avec un filet de sécurité dans sa boite à outil : « J’utiliserai les solutions alternatives, car il faut changer les modèles face aux problèmes de résistance. Mais j’utiliserai les produits phytosanitaires en dernier recours, car je ne veux pas prendre de risques ».