Ecophyto R&D, « les bases d’un futur différent »
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((/public/guillou_marion_ecophyto_pti.png|guillou_marion_ecophyto_pti.png|L))__Réduire l’usage des pesticides de 50 % si possible, à échéance 2018 : pour évaluer la faisabilité de cet objectif l’Inra a été mandaté par les ministères de l’Ecologie et de l’Alimentation__. L’institut livrait le jeudi 28 janvier le fruit de deux années de travail. Principaux enseignements : une réduction de moitié supposerait un changement radical des systèmes de cultures et des équilibres économiques et s’avère donc difficile à atteindre. En grandes cultures une baisse de 20 % serait sans incidence majeure. La production baisserait de 4 % à partir d’un recul de 30 %. Les scénarios ont été élaborés pour quatre types de productions (grandes cultures, cultures légumières, vigne et arboriculture), sur la base des données statistiques pour l’année 2006, complétées d’observations et de dires d’experts. L’impact climatique, celui des innovations à venir, du comportement des acteurs, l’agrégation des données au niveau national sont autant de « limites assumées », comme l’a indiqué Pierre Stengel (Inra d’Avignon), responsable du projet Ecophyto R & D. Des limites qui imposent une grande prudence dans l’analyse et la diffusion des chiffres de l’étude, laquelle n’en constitue pas moins « les bases d’un futur différent », comme l’a indiqué Marion Guillou en clôture des travaux. Catherine Deger __Cinq modes de cultures et autant de niveau de rupture__ Agriculture intensive, agriculture raisonnée, protection intégrée, production intégrée et agriculture biologique ont été caractérisées, le passage de l’une à l’autre correspondant à un niveau de rupture dans la stratégie de protection phytosanitaire. L’agriculture raisonnée, la plus souvent pratiquée, signifie ainsi une limitation du recours aux pesticides par l’application de seuil d’intervention. La protection intégrée met en œuvre des méthodes prophylactiques, alors que la production intégrée va également agir sur les rotations. L’agriculture biologique, enfin, s’abstient de tout traitement avec des pesticides de synthèse. En même temps qu’étaient analysés les différents scénarios (sur lesquels nous reviendrons plus en détail dans nos prochaines lettres), Ecophyto R & D a également tenté de définir les facteurs limitants au développement de modes de culture plus économes en intrants et des moyens à mettre en œuvre pour développer et diffuser les connaissances. Pour Jean-Marc Meynard (Inra Grignon) les obstacles au développement des solutions alternatives tiennent à trois raisons principales : une faible diffusion des connaissances scientifiques, conjuguée au besoin pour les praticiens de s’appuyer sur des « preuves locales » ; la difficulté à concilier luttes alternatives et organisation collective au niveau des territoires et enfin l’impact de ses solutions alternatives avec les exigences des filières. Introduire d’une manière significative de nouvelles cultures (triticale ou blé rustique par exemple) dans les rotations suppose en effet de pouvoir leur trouver des débouchés. Réduire la production se heurte à la nécessité de nourrir la planète. « Une évolution profonde du système socio-technique mobilisant une majorité des acteurs permettra d’atteindre des objectifs ambitieux », estime Jean-Marc Meynard. __Expérimenter, diffuser… et partager__ Les bases posées au terme de deux ans d’enquêtes méritent d’être confortées, expérimentées, consolidées. L’Inra a formulé plusieurs propositions dans ce sens. Restera tout de même, et c’est l’essentiel, à diffuser les pratiques sur le terrain. Ce qui constitue sans conteste l’enjeu essentiel d’Ecophyto 2018. La formation des agriculteurs et l’animation de groupes à partir de fermes pilotes ou de club sont indispensables. L’Inra propose la création de 800 fermes pilotes pour évaluer la mise en pratique des scénarios. Un réseau de plus, ou une base pour un échange avec l’ensemble des acteurs ? La réponse se jouera à la fois au niveau national (y compris au parlement avec la loi Grenelle 2), mais aussi dans chaque région ou département. __Les réactions__ L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) a proposé un nouveau point d’étape en 2014, pour valider la conformité des chiffres de baisse avancés « avec la performance économique de la ferme France ». Elle demande également que les indicateurs d’utilisation pris en compte pour l’instant soient complétés d’indicateurs d’impacts et souhaite « s’assurer de la solidité scientifique et de la représentativité de ces premiers résultats ». %% % Orama (section grandes cultures de la FNSEA) met en avant le fait que la plupart des scénarios se traduisent pas un repli de la production « contraire à l’objectif de produire plus assigné à l’agriculture française conjointement à celui de produire mieux ». Elle demande aussi à la recherche « de poursuivre ses efforts pour apporter des solutions » . %% % Pour Jean-Claude Bevillard, de France Nature Environnement « les 50 % ont été fixés par le législateur, il faut faire en sorte que la loi soit respectée. » Partant d’une « réduction de 20 à 30 % pratiquement à système égal », il compte sur « la capacité d’adaptation importante du monde agricole ». Faute de quoi, l’agriculture aura raté le rendez-vous fixé avec la société. % %% Pour Philippe Mangin, Coop de France, il convient de se mobiliser « dès maintenant sur l’agriculture raisonnée ». « Les coopératives seront là, mais avant de parler diffusion, il faut déjà entrer dans l’expérimentation ».