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Enjeu climatique en région ALPC : mesurer pour agir

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Référence-environnement.com poursuit son tour des régions sur le thème de l’agriculture et du réchauffement climatique. La grande région Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes prend l’enjeu au sérieux. Entretien avec Frédéric Levrault, en charge de ce thème à la Chambre régionale d’agriculture, ainsi qu’au niveau national. Référence environnement : Comment l’enjeu climatique est-il abordé dans votre région ? Frédéric Levrault : Dès 2011, la Chambre régionale d’agriculture de Poitou-Charentes a mis en place un observatoire du climat et de l’agriculture, nommé Oracle. Nous avons été pionnier dans la démarche. Elle a été reprise en 2015 en Aquitaine puis en Pays de la Loire, et cette année en Normandie et Grand-Est. Nous souhaitons mesurer le plus précisément possible les évolutions en cours pour définir les voies d’adaptation les plus pertinentes. Le changement climatique affecte toutes les cultures de la région, avec une hausse tendancielle des températures et de plus fortes irrégularités. L’évolution des précipitations est moins marquée, malgré une légère baisse annuelle dans le sud de la région, et en augmentation sensible dans le nord. La réponse des cultures est sans ambiguïté : le taux de sucre des raisins a augmenté, les dates de semis de maïs et de récolte des arbres fruitiers sont avancées. Les levées de dormance des pommiers, qui nécessitent une quantité définie de froid, sont de plus en plus longues, voire parfois impossibles. R.E. : Quels sont les leviers que vous mettez en œuvre avec les agriculteurs ? F.L. : Il y a classiquement deux axes de travail : l’adaptation et l’atténuation. L’adaptation peut s’envisager de façon plus ou moins ambitieuse. Sans bouleverser les systèmes en place, il est possible de jouer sur l'avancée des semis de maïs, le fauchage plus précoce de l’herbe, la constitution de stocks d’herbes en hiver pour nourrir les animaux l’été, les vendanges nocturnes pour éviter les fortes chaleurs qui altèrent la qualité du vin. Mais ces modifications à la marge ne suffiront pas. Des changements plus importants devront être adoptés, qui impliqueront une redéfinition des systèmes de production : choix de cépages compatibles avec des climats plus chauds, espèces d’arbres fruitiers tolérant des hivers plus doux. Pour les cultures irriguées, l’accès à la ressource en eau deviendra plus difficile. Deux solutions devront être examinées conjointement : le stockage de l’eau dont on sait qu’il sera limité, et les économies d’eau comme les systèmes d’irrigation en goutte-à-goutte enterré ou le remplacement par des cultures moins exigeantes en eau. Le sorgho pourrait, par exemple, être cultivé à la place du maïs. R.E. : Est-il possible de réduire l’impact de l’agriculture sur le climat ? F.L. : Sur l’atténuation, les efforts en agriculture ont jusqu’à présent été faits essentiellement sur le CO2. Or, 90 % des gaz à effets de serre produits par la production agricole sont liés au protoxyde d’azote, N2O, et au méthane CH4. Réduire ces deux gaz relève davantage d’évolutions plus structurelles, comme par exemple l’utilisation de l’azote organique. Toutefois, le pilotage plus fin de la fertilisation est un levier efficace, relativement simple à mettre en œuvre. R.E. : Est-ce que la filière agricole est bien sensibilisée ? F.L. : Il n’y a plus de climatosceptiques, la prise de conscience est unanime. En début d’année, une commission « changement climatique » a été mise en place à la Chambre régionale d’agriculture, preuve de la volonté des élus. Vis-à-vis des agriculteurs, nous devons faire connaitre les solutions à mettre en place et les moyens de le faire. C’est un vrai challenge.

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