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Fruits du futur : FranceAgriMer dévoile des projections pour 2040

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Comment anticiper les besoins futurs en variétés fruitières, lorsque l’on sait que la création variétale en arboriculture nécessite plusieurs dizaines d’années ? À la demande du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) fruit, FranceAgriMer a travaillé depuis un an et demi à l’élaboration de scénarios dans lesquels la filière pourrait se retrouver à horizon 2040. La structure a émis plusieurs hypothèses pour mettre au point les prospectives : évolution du climat, des relations internationales ou encore des attentes de la société. Le 20 mars, elle a dévoilé les quatre scénarios (voir ci-après) sélectionnés, sur 240 hypothèses rédigées par le groupe d’experts, à une centaine d’acteurs de la filière réunie à Paris.

L’attitude du consommateur, un enjeu majeur

« L’objectif est de s’accorder sur ce que nous voulons et nous ne voulons pas », explique Emmanuel Demange, directeur produit et qualité, coordination des actions régionales chez Interfel. Les intervenants ont discuté des projections et ont massivement voté en faveur du scénario n° 4, à 72 %. S’il met en avant des consommateurs relativement exigeant, il mise sur une bonne structuration de la filière et sur un développement des innovations variétales et des pratiques culturales. « C’est actuellement ce sur quoi nous travaillons », explique Vincent Guérin, responsable des affaires économiques à l’Association nationales pommes et poires. La majorité des acteurs craignent la prospective des bas prix, où les organisations de producteurs ont perdu la main et où la création variétale s’essouffle.

Préparer les variétés au changement climatique

Les participants redoutent également un accroissement des peurs des citoyens vis-à-vis des pesticides et des OGM. Quant au scénario sur une évolution climatique forte, si les intervenants ont apprécié l’engouement pour la sélection variétale comme réponse à cet enjeu, ils appréhendent la dérégulation du marché qui semble en découler. « Tout l’enjeu de la prospective est de se préparer pour anticiper, même si ces scénarios ne nous semblent pas réalistes a priori, a indiqué Patrick Aigrain, chef du service évaluation et prospective chez FranceAgriMer. Elle doit nourrir les stratégies. »

Les premières réflexions auront lieu lors de la réunion du Groupement d’intérêt scientifique GIS fruits le 30 mars

Les quatre scénarios à horizon 2040

  • Innovations variétales pour un verger adapté au changement climatique

    L’adaptation au changement climatique requiert une intervention politique pour harmoniser les conditions des échanges commerciaux internationaux. Les aides sectorielles à l’arboriculture sont maintenues, mais aucune aide à la consommation de fruits n’est mise en place dans la politique de lutte contre l’obésité. Rassurés par l’absence de résidus détectables de produits phytosanitaires, les consommateurs ne sont pas demandeurs de labels environnementaux et sont prêts à monter en gamme sur d’autres critères : origine, « mûr à point »…. L’adaptation au changement climatique est une priorité de la sélection variétale et les échanges de ressources génétiques à l’international favorisent la mise au point de variétés originales, plus faciles à cultiver et à mécaniser et peu sensibles aux aléas climatiques.

  • Marché de bas prix et création variétale au ralenti

    L’accessibilité aux fruits des consommateurs est un des axes prioritaires des politiques nutritionnelles publiques qui laissent se développer une offre à bas prix. Les consommateurs, ayant rejeté la génétique, ne sont plus inquiets sur la qualité sanitaire des fruits et cherchent le meilleur rapport plaisir/prix, en frais comme en transformé. La filière française peine à répondre à cette demande et n’a plus les moyens d’œuvrer au renouvellement du verger dont les superficies régressent et se concentrent lentement autour de nouvelles variétés productives et résistantes aux bio-agresseurs.

  • Les transformateurs pilotes de l’innovation variétale

    Atténué, le changement climatique n’a qu’un impact limité sur l’arboriculture fruitière. Mais la montée des peurs alimentaires pousse les consommateurs à une extrême vigilance sur les questions de résidus de pesticides. Ils se rassurent par les signes de qualité à contenu environnemental et l’achat local, et acceptent les défauts d’aspect des fruits. Les signes de qualité prolifèrent et la grande distribution joue les arbitres avec ses marques propres. L’augmentation des coûts de production induite par la réduction des moyens de protection contre les pathogènes fragilise les producteurs et ralentit le renouvellement variétal. Les transformateurs, inquiets pour leurs approvisionnements, prennent la main sur la sélection de variétés adaptées à leurs besoins et orientent les producteurs vers un accroissement des variétés à usage mixte.

  • Une dynamique variétale encadrée par un consommateur exigeant

    Dans un contexte de changement climatique perturbant, des mesures réglementaires sont prises pour faciliter les échanges mais ni la production, ni la consommation des fruits ne sont soutenues par des politiques publiques. Les consommateurs sont inquiets de la présence de résidus de pesticides sur les fruits. Ils se tournent de plus en plus vers la bio dont la production se trouve stimulée. Plus largement, les organisations de producteurs s’investissent dans l’expérimentation de nouvelles pratiques culturales et adoptent des variétés issues pour la plupart de méthodes de génie génétique réglementairement considérées comme non-OGM, originales, résistantes, qui permettent de réduire l’usage des produits phytosanitaires et de répondre aux demandes en frais ou en transformé de mieux en mieux valorisées.