Gestion de l’irrigation : Philippe Martin mise sur les projets de territoire
Le | Projets-territoriaux
Le rapport sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture dans le cadre du changement climatique, mené par Philippe Martin depuis le 23 novembre 2012, a été remis au Premier ministre le 5 juin, en présence de Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, et de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture. Pour Philippe Martin, le problème du partage équitable de l’eau se situe surtout entre les agriculteurs eux-mêmes et non avec les autres usages ou avec les exigences des milieux naturels. Ainsi, le député du Gers conseille une gestion au cas par cas par le biais de projets territoriaux. Des initiatives existent déjà comme celle élaborée par la Chambre d’agriculture du Maine-et- Loire qui a mis au point un plan d’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Gérer les arbitrages entre agriculteurs Ces projets devront distinguer les objectifs environnementaux et ceux à caractères économiques, mieux définir les responsabilités pour les arbitrages entre agriculteurs, et surtout prévoir une phase de dialogue en amont. Un point qui pêche actuellement dans les projets, qui, du coup, n’ont pas englobé les questions essentielles sur le partage de l’eau : s’agit-il de développer l’irrigation ou de retrouver une ressource plus satisfaisante ? Les solutions alternatives au projet, y compris la réduction de l’irrigation, ont-elles été étudiées ? Les impacts sur le milieu naturel sont-ils évités au mieux et seront-ils compensés ? Quels seront les critères d’accès à l’eau pour les agriculteurs ? Quel sera le bénéfice pour l’économie locale ? Le rapport propose un contenu minimal et un calendrier, qui devraient être précisés par les Agences de l’eau. Côté financement, Philippe Martin demande la fin du moratoire suspendant la participation financière des Agences de l’eau au projet de stockage en vue de l’irrigation agricole. Il demande que les collectivités locales puissent bénéficier des cofinancements communautaires. Et insiste sur le fait que les filières pourraient aussi investir, à l’instar de la société Limagrain en production de semences qui est intervenue pour définir un nouveau périmètre d’irrigation. Limiter les recours après autorisation Pour faciliter les projets, le député du Gers demande de limiter les recours après les autorisations à une période de deux mois jugée raisonnable. « Ce qui permettrait aux maîtres d’ouvrage prudents d’engager les travaux une fois que les contentieux auront été éclaircis », explique Philippe Martin. Il propose que les seuils d’autorisation pour les retenues au titre de la loi sur l’eau soient maintenus, mais envisage le relèvement du seuil d’obligation pour les études d’impact. En ce qui concerne les autorisations de prélèvement des organismes uniques de gestion collective (OUGC), il souhaite la réduction du dossier d’autorisation à une étude d’incidences, sans étude d’impact, pour la première autorisation. Et demande aussi d’autoriser certains accroissements de l’irrigation en ZRE, Zone de répartition des eaux, lorsque le programme de substitution est correctement exécuté. Le rapport insiste également sur le volet social et recommande aux services du ministère de l’Agriculture de réaliser une étude sur les incidences de l’irrigation sur l’emploi agricole et agroalimentaire, avec un volet par région et/ou par filière, de manière à faciliter des débats ultérieurs sur l’accompagnement éventuel par les pouvoirs publics des investissements dans ce domaine. Le député rappelle que certaines cultures sont tributaires de l’irrigation comme les semences, les légumes destinés à la transformation, les fruits ; que des besoins se font sentir en vigne ; et que les éleveurs pourraient devoir recourir davantage aux prélèvements d’eau pour leurs cultures fourragères afin de ne pas subir la hausse des prix des matières premières végétales. Les réactions Suite à la publication du rapport, Irrigants de France se félicite de la reconnaissance de l’irrigation comme un véritable levier de production et source d’emplois. « Qu’il s’agisse de réduction des délais des recours juridiques, d’ouverture aux financements européens ou de représentation des agriculteurs dans des instances de concertation, certaines recommandations pragmatiques préconisées doivent rapidement trouver écho dans la politique gouvernementale, estime Irrigants de France. Qui espère aussi que « l’approche territoriale proposée par le député ne sera pas un nouveau prétexte pour figer dans le temps l’émergence de nouveaux projets ou de complexifier encore plus l’édifice réglementaire ». L’association demande au gouvernement de réactiver les soutiens financiers à la création de projets de stockage de l’eau, au regard notamment de la pluviométrie de ces derniers mois. Un souhait relayé par la FNSEA, qui regrette toutefois la volonté de figer les projets territoriaux dès mi-2015 pour les intégrer dans les SDAGE, « sans tenir compte des dynamiques des filières et du dimensionnement, souvent limité, des ouvrages de stockage ». Elle dénonce également la proposition de ne pas toucher au seuil d’autorisation pour les retenues. Photo : Benoît Granier/Matignon