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« La couverture du risque, première politique à mettre en œuvre », Paul Luu, secrétaire général de l’initiative 4 pour 1000

Le | Projets-territoriaux

Pour atténuer les effets du changement climatique, le stockage du carbone dans le sol est une des pistes majeures à l’étude. L’initiative 4 pour 1000 argue qu’une augmentation du carbone dans les sols de 0,4 % réduirait fortement la concentration de C02 dans l’atmosphère. Cinq ans après son lancement, où en est la démarche ? Entretien avec Paul Luu, secrétaire exécutif de l’initiative.

« La couverture du risque, première politique à mettre en œuvre », Paul Luu, secrétaire général de l’initiative 4 pour 1000
« La couverture du risque, première politique à mettre en œuvre », Paul Luu, secrétaire général de l’initiative 4 pour 1000

Référence Agro : Cinq ans après le lancement de l’initiative 4 pour 1000, la démarche a-t-elle grossi ses rangs ?

Paul Luu : Nous avions 160 partenaires (pays, organisations internationales, institutions de recherche et d’enseignement, ONG, entreprises, groupements de producteurs) en 2015. Nous avons aujourd’hui dépassé le cap des 500. Cela montre l’intérêt croissant pour notre démarche, beaucoup d’entreprises et d’organisations de producteurs nous ont rejoint.

R.A. : Quels sont les récents travaux que vous avez lancés ?

P.L.  : Nous avons amorcé en 2020 les travaux pour construire notre feuille de route pour les trente prochaines années. Cela nous avait été demandé durant la COP 25 à Madrid. Nous avons construit ce plan stratégique au cours du premier semestre de l’année : il a été validé le 25 juin. La vision pour 2050 est complétée par des missions à réaliser à horizon 2030. Six grands buts ont été fixés, découpés en 24 objectifs. Pour chacun d’entre eux, une task force est en cours de constitution. Nous avons demandé à nos membres et organisations amies de s’inscrire pour constituer ces groupes de travail, sur la base du volontariat. Chacun aura deux missions : faire le point de la situation dans le monde sur le sujet qui le concerne, et prévoir un plan d’actions à plus long terme pour atteindre cet objectif et assurer le suivi de sa mise en œuvre. L’ambition est de déboucher sur des actions concrètes dans les années à venir. Par ailleurs, nous avons lancé la deuxième édition de notre « appel à projets pour évaluation ». Notre comité scientifique et technique examine actuellement quinze dossiers. L’objectif est de faire émerger des projets qui tiennent la route pour faciliter leur accès aux financements.

R.A. : Le politique s’est-il, selon vous, assez emparé du sujet du stockage du carbone dans le sol ?

P.L.  : En France, le ministère de l’Agriculture nous apporte son soutien. Didier Guillaume était venu rappeler son appui à la COP 25, et je sais que Julien Denormandie s’inscrit dans la lignée de ses

prédécesseurs à ce sujet. Toutefois, une chose me navre : je souhaiterais que la Commission européenne soit membre de l’initiative, car c’est elle qui détient les compétences agricoles dans l’Union européenne.

R.A. : Attendez-vous des évolutions réglementaires précises en la matière ?

P.L. : En matière de réglementation, le mieux est l’ennemi du bien. Beaucoup de dispositions législatives existent déjà en France, et les agriculteurs ont davantage envie qu’on les laisse tranquille. Ce sont les réseaux de pairs qui feront avancer les choses. De même, les scientifiques ne doivent pas être des freins mais des leviers et des appuis aux agriculteurs. L’innovation vient aussi en grande partie du terrain. De la part de Bruxelles et de la Pac, nous avons surtout besoin de modalité d’appui pour passer le cap de la période de transition et avoir une assurance des risques pris lors de la mise en œuvre de pratiques alternatives. Nous devons inciter les agriculteurs à s’engager en montrant que cette prise de risque est couverte. Cela a été possible avec le bio, pourquoi pas avec l’agriculture de conservation des sols et l’agriculture régénératrice ? C’est une première étape pour sortir de l’agriculture conventionnelle. Nous restons par ailleurs vigilants à ce que contiendra la prochaine Pac.