« Les pertes et le gaspillage alimentaire génèrent 3,5 Gt de CO2 », Camélia Bucatariu, FAO
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Il y a cinq ans, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, FAO, publiait le premier rapport sur les pertes et le gaspillage alimentaire dans le monde. Pour la structure, il y a urgence à agir. Car derrière ce phénomène se cachent des enjeux majeurs de sécurité alimentaire et d’environnement pour la planète. Entretien avec Camélia Bucatariu, fonctionnaire technique sur la problématique des pertes et du gaspillage alimentaire à la FAO. Référence environnement : À combien se chiffre le gaspillage alimentaire dans le monde ? Camélia Bucatariu : Un tiers de la part comestible des aliments produits pour la consommation humaine est perdu ou gaspillé dans le monde, soit 1,3 milliard de tonnes par an. Les filières les plus touchées sont les fruits et légumes (45 %) et les racines et tubercules (45 %). Si le phénomène concerne toute la planète, il prend des formes différentes selon les régions. Dans les pays industriels, le gaspillage se fait surtout au stade consommateur, avec des niveaux de 100 kg par habitant et par an. Dans les pays en voie de développement, le chiffre tombe à 6 à 11 kg/habitant/an et la problématique se déplace vers l’amont. Dans ces zones, il manque des infrastructures pour conserver les denrées alimentaires ainsi que des systèmes logistiques performants pour amener les produits jusqu’au consommateur. L’enjeu de sécurité alimentaire y est récurrent : ce n’est pas le consommateur qui gaspille, c’est la nourriture produite qui n’arrive pas jusqu’à lui. R.E. : En quoi le gaspillage est-il un enjeu environnemental ? C.B. : Produire de la nourriture perdue consomme inutilement de l’eau et de l’énergie, utilise des terres, des intrants. Le coût environnemental n’est pas négligeable. Le gaspillage alimentaire arrive en troisième place en matière d’émissions de gaz à effet de serre derrière les États-Unis et la Chine. Les pertes en eau représentent l’équivalent de trois fois le lac de Genève. Dans un rapport publié en 2014, la FAO a chiffré ces coûts. Nous indiquons que les émissions de CO2 liés aux pertes et au gaspillage s’élèvent à 3,5 Gt, soit un coût social de 394 milliards de dollars. Les pertes en eau génèrent une dépense de 164 milliards de dollars par an. Sur les sols, la FAO indique que 35 milliards de dollars sont liés à des problématiques d’érosion des sols du fait de la perte de nutriments. Un chiffré étendu à 396 milliards si on ajoute une augmentation des risques de conflits. Enfin, sur la biodiversité, l’impact est estimé à 32 milliards de dollars, via l’usage des intrants. R.E. : Quelles sont les leviers à actionner pour réduire le gaspillage ? C.B. : Ils sont fondés sur la connaissance du problème. Il faut faire de la prévention à tous les maillons, et que chaque pays comprenne le gaspillage dans son contexte national. La lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaire doit s’envisager au niveau de chaque zone avec des partenaires territoriaux. Pour plus d’informations : Save food : Initiative mondiale de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires