La Chambre d’agriculture de la Creuse n’a pas hésité à financer les services d’un climatologue. Une première pour une telle structure. Avec les conseillers agronomiques, il a mené une étude entre juillet 2012 et juin 2015 sur l’adaptation des pratiques culturales au changement climatique à horizon 2040 : évolution de la mise à l’herbe des animaux, changement de variétés, travaux de cultures différés ou avancés, etc. Ce travail montre que le printemps est la saison la plus impactée. Un climatologue qui vient de Météo France « Je suis mis à disposition par Météo France, mais payé depuis 2011 par la Chambre de la Creuse, précise Vincent Caillez, climatologue. Elle a été précurseur sur la problématique du climat. Avec les résultats que nous publions, d’autres structures sont intéressées. Je démarre ainsi deux études : AP3C pour le Massif Central et Agri Accept pour les régions Aquitaine, Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Bretagne et Normandie. » Le printemps subira les plus grands changements La simulation du climat s’est fondée sur les observations de température et de précipitations du département de la Creuse entre 1980 et 2010. Le principal élément noté est une augmentation de la température moyenne annuelle de 0,4 °C par décennie environ. Contrairement à ce qui est généralement admis, le printemps est le plus impacté. En effet, la hausse est de 0,7 °C par décennie contre 0,5°C en été. La variabilité est aussi maximale au printemps. Le nombre de jours de forte chaleur augmente plus vite au printemps qu’en été. « Ce qui a des conséquences plus sensibles pour l’agriculture dans notre département », indique Vincent Caillez.
- L’herbe : pâturage précoce et rotation plus rapide
Cela va engendrer une
avancée de la mise à l’herbe, de 8 à 11 jours en 30 ans. Ce premier cycle de pâturage va également durer moins longtemps (2 à 6 jours en moins) car les phénomènes d’épiaison vont s’accélérer. Les éleveurs devront mettre à l’herbe leurs troupeaux précocement et procéder à un rythme de
rotation du pâturage plus rapide. La hausse des températures va également jouer sur
une pousse de l’herbe plus tardive en automne. La durée du pâturage devra donc s’allonger à la fin de l’automne pour valoriser la ressource fourragère. Une question reste en suspens : l’accessibilité des prairies à des périodes où la pluviométrie est importante. La baisse des précipitations pourrait impacter la croissance de l’herbe en été. Les systèmes d’élevage devront s’adapter, par exemple en distribuant plus de fourrage au pré ou en baissant les chargements à ces périodes. Une évolution dans le
choix des espèces et des variétés fourragères serait nécessaire.
La luzerne pourrait devenir une plante incontournable du fait de sa capacité à produire en condition très chaude.
Les variétés de dactyle et de fétuque élevée de type « méditerranéennes » seraient attrayantes, grâce à leur capacité à entrer en dormance en conditions chaudes et sèches et à repartir vite en végétation avec des conditions plus clémentes. Si une baisse des besoins en
stocks hivernaux est attendue, elle risque d’être compensée par des distributions de fourrages pendant l’été. Les techniques de récolte de fourrages plus humides comme l’ensilage ou l’enrubannage seront des chantiers à privilégier. Le changement climatique aura enfin une répercussion sur l’avancement de la date des
premiers apports azotés sur les fauches précoces, de 6 à 10 jours.
- Les céréales : des incidences techniques
Le principal risque réside dans l'
échaudage lors du remplissage du grain. Une des pistes d’adaptation serait de raccourcir le cycle de végétation. Cet avancement se fera pour partie naturellement suite à un redémarrage en végétation plus rapide au printemps, et pourra s’effectuer en complément de l'
utilisation des variétés à épiaison plus précoce. L’augmentation des précipitations à l’automne et la diminution de la fréquence des épisodes secs peuvent limiter les créneaux d’intervention pour effectuer des semis dans de bonnes conditions. A l’inverse, la diminution des précipitations au printemps
limite le développement des maladies. Le raccourcissement du cycle entraîne une récolte avancée et par conséquent des semis de dérobées plus précoces.
- Le maïs : déplacement de la culture
L’évolution du climat aura comme conséquence
un déplacement des zones de culture. Elle ouvre de nouvelles possibilités dans les zones les plus fraîches du département. La baisse des précipitations en période estivale limitera, en revanche, la faisabilité de cette culture dans la zone nord-est, la plus sèche du département. Pour cette zone, il sera impératif de semer des variétés plus précoces et assez tôt, de façon à esquiver la période échaudante. L’autre solution consistera à substituer à la
culture du maïs des cultures de sorgho. Sur les zones intermédiaires, l’élévation des températures avec un contexte hydrique moins perturbé, permettront d’implanter des variétés plus tardives et par conséquent plus productives. Sur la zone nord-ouest, un avancement des dates de semis ouvre la possibilité d’implanter du maïs pour une récolte en grain.