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« Nos élevages laitiers sont parmi les plus autonomes au monde », Benoit Rouillé, Idele

Le | Projets-territoriaux

Benoit Rouillé, responsable de projets à l’Institut de l’élevage, veut tordre le cou aux idées reçues sur l’alimentation des animaux d’élevage. Les systèmes en bovins lait en France sont moins dépendants des importations de soja d’Amérique du Sud que d’autres pays du monde, affirme-t-il. Les organismes scientifiques et les instituts techniques tentent toutefois d’améliorer encore davantage l’autonomie des élevages.

« Nos élevages laitiers sont parmi les plus autonomes au monde », Benoit Rouillé, Idele
« Nos élevages laitiers sont parmi les plus autonomes au monde », Benoit Rouillé, Idele

« Savez-vous réellement ce que mangent les vaches ? », questionne, sur twitter, Benoit Rouillé, responsable de projets à l’Institut de l’élevage.  Il entend interpeller les internautes face à la mouvance du lundi vert, porté par des personnalités pour demander aux citoyens de ne consommer ce jour-là ni viande ni poisson, notamment parce que 70 % du soja dans le monde est produit pour nourrir les animaux.

Référence agro : Quel est le niveau de dépendance des élevages de ruminants français vis-à-vis des protéines ?

Benoit Rouillé : En bovins lait, nous avons des systèmes parmi les plus autonomes du monde. Contrairement à ce que l’on pense, des pays comme l’Irlande ou la Nouvelle-Zélande sont dépendants des importations de céréales ou de coproduits de palme. Les élevages de ruminants ont cette spécificité de consommer d’abord du fourrage, et donc moins de concentrés que d’autres filières. En moyenne, l’autonomie protéique des systèmes bovins lait s’élève à 62 % en France. Certes, nous pouvons mieux faire mais ce niveau est honorable. Les systèmes les plus herbagers sont les moins dépendants. Le maïs est en effet très riche en énergie mais déficitaire en protéines : il a donc besoin d’être complémenté. L’autonomie des élevages varie ainsi de 59 % pour les systèmes de plaine tout en maïs, à 89 % pour les productions biologiques, en passant par 81 % pour les systèmes herbagers de plaine.

Par ailleurs, l’autonomie protéique sur les fourrages s’élève en moyenne à 95 % et tombe à 7 % pour les concentrés. Ce qui signifie que les éleveurs bovins achètent majoritairement leurs concentrés à l’extérieur de l’exploitation. Bien qu’ils ne soient pas majoritaires, c’est notamment le cas des tourteaux de soja qui proviennent d’Amérique du sud où la culture participe fortement à la déforestation et a un mauvais impact sur l’environnement.

R.A. : Comment s’affranchir du soja importé ?

B.R. : La valorisation de l’herbe est selon moi le meilleur levier pour réduire la dépendance car l’herbe pousse partout en France. Mais ce n’est pas une trame unique : tout dépend du contexte pédoclimatique des exploitations. Toutefois, nous menons des projets de recherche et développement en la matière. Le programme Interreg Portecow, dans les Hauts-de-France et en Belgique, cherche à s’affranchir du tourteau de soja importé en valorisant mieux l’herbe, notamment avec des associations entre des graminées et des légumineuses. SOS Protein, mené en Bretagne et Pays de la Loire, teste différentes stratégies de fauche d’herbes et des mélanges de graminées-légumineuses. L’objectif est d’analyser les bénéfices du champ à la valorisation animale.

Quant à la fabrication de tourteau en France, elle nécessite d’augmenter les surfaces dédiées. Mais les différents plans protéines n’ont pas vraiment réussi à renverser la tendance. En effet, il reste difficile de s’affranchir du soja car il est utilisé par toutes les filières et certaines ont du mal à s’en passer comme les volailles. La culture est riche en protéines et en énergie et dispose d’un équilibre en acides aminés unique. Du coup, il est utile pour les fournisseurs d’incorporer du soja qui servira dans toutes les rations et évitera des allotements complexes.

R.A. : Peut-on produire du tourteau de soja en France ?

B.R. : Terres-Inovia a l’ambition de développer une filière de graines de soja triturées en France. Du coup, les éleveurs pourraient utiliser du tourteau qui en est extrait sans déforester la planète ! Pour l’heure, la France produit 600 000 tonnes de tourteaux de soja pour 3,3 millions de tonnes utilisés. Mais les volumes progressent petit à petit. Ce tourteau français est surtout utilisé par les productions sous label qui doivent bannir les aliments non-OGM.

R.A. : Est-ce que la pandémie de Coronavirus a influencé les rations des animaux ?

B.R. : La situation actuelle n’a pas modifié grand-chose pour les systèmes bovins laitiers car le fourrage est produit sur les exploitations. Par ailleurs, les concentrés, même importés, ont pu être acheminés chez les fabricants qui n’ont donc pas modifié les rations. Toutefois, cette situation de crise pourrait inciter la société à reprendre la main sur l’alimentation et réclamer du « made in  France » dans les cahiers des charges, même en alimentation animale. Espérons que cette pandémie aura eu cette influence positive.