Pâturage tournant dynamique, une étude fait le bilan
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Une étude soutenue par l’Association française d’agroforesterie, en Nouvelle-Aquitaine, s’est intéressée aux bilans économique et environnemental de fermes laitières mettant en place du pâturage tournant dynamique. Explications avec l’auteur de l’étude, Xavier Barat, qui plaide pour un déploiement à grande échelle de ce système.
Évaluer l’impact du pâturage tournant dynamique (PTD) sur les résultats technico-économiques et agro-environnementaux, mais aussi sur l’adaptation au changement climatique, de fermes en Nouvelle-Aquitaine : c’est l’objectif d’une étude soutenue par la section régionale de l’Association française d’agroforesterie (Agr’eau) (1). Une quinzaine d’exploitations en polycultures élevages herbivores ont été mobilisées. Elles sont issues d’un ensemble de fermes suivies depuis plusieurs années par l’auteur de l’étude, Xavier Barat. « Je travaille depuis 2012 à l’optimisation de fermes de polyculture élevage herbivore et au développement de systèmes herbagers dans le Sud-Ouest de la France, via un accompagnement d’agriculteurs en formation-action », explique l’agronome. Des figures pionnières, parmi les 450 exploitants formés, ont été retenues pour élaborer cette étude.
Une autonomie quasi-complète de l’alimentation
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Agronome de formation, Xavier Barrat a accompagné plusieurs centaines de fermes depuis le début des années 2010, pour développer des systèmes herbagers innovants.[/caption]
Cinq fermes de l’échantillon étaient en élevage laitier. « C’est un petit groupe pas forcément représentatif de l’ensemble du secteur, où les exploitations comptent entre 50 et 60 vaches laitières et le niveau de chargement se situe entre 1.5 et 2 UGB / ha (2), explique Xavier Barat. Les exploitations de l’étude, de taille plus limitée avec 30 vaches laitières et des chargements entre 1 et 1.5 UGB /ha, s’en sortent bien car elles transforment et valorisent leur production. » Pour ces éleveurs, l’étude indique que « le passage à une gestion optimisée de l’herbe et la fauche des excédents en période printanière permettent d’assurer en élevage laitier une autonomie quasi-complète de l’alimentation ». Pour être totalement autonome, l’objectif est de limiter la production entre 4000 à 5500 litres par vache et par an. En ce qui concerne la dizaine d’éleveurs allaitants de l’étude, celle-ci souligne que le recours au PTD conduit à l’élimination de l’usage d’engrais minéraux sur les prairies pâturés, sans impact sur la production fourragère totale des prairies. Mais également, au cours du temps, à une forte diminution de l’achat des concentrés pour la même production carnée. « Comme l’herbe est mieux valorisée au bon stade qualitatif, les animaux sont maintenus en meilleur état et assure une production laitière optimale pour la phase d’élevage des veaux, cela peut réduire la quantité de concentrés achetés de 50 à 100 % », précise Xavier Barat.
Valoriser le captage du carbone
Sur le volet environnemental, des diagnostics ont été réalisés pour évaluer les émissions de GES et le stockage du carbone dans le sol. L’étude souligne le caractère « économe en énergie » des exploitations ayant recours au PTD. « Les systèmes herbagers les plus autonomes et herbagers compensent de 50 à 90 % de leurs émissions de GES. Dans les systèmes allaitants les plus chargés de l’étude (environ 1,5 UGB / ha), le niveau de compensation est limité entre 25 et 35 %. » Compte-tenu de cette capacité de stockage du carbone dans les sols, l’auteur de l’étude souhaiterait voir ce potentiel valorisé via, par exemple, des paiements pour services environnementaux.
Mieux faire reconnaître ce modèle
Face à ces résultats, Xavier Barat appelle de ses vœux une meilleure reconnaissance des secteurs laitier et carné, en faveur des systèmes herbagers et autonomes, qui pourraient de plus être installés sur de faibles surfaces. « Le PTD permet de récupérer de la rentabilité, assure-t-il. Les groupes laitiers pourraient choisir et valoriser une politique de développement de ce modèle, dans une logique de lait bas-carbone, tout le monde peut le faire. » L’agronome regrette que ces pratiques ne soient pas mieux valorisées dans le milieu professionnel agricole et auprès des investisseurs qui financent l’installation en élevage. « Les filières doivent se tourner vers d’autres modes de rémunération - plus qualitatif et moins quantitatif. Nous devons faire comprendre que ce modèle assure une meilleure rentabilité à l’éleveur par un niveau de charges plus limitées, plaide l’auteur de l’étude. De plus, le bilan carbone du lait risque d’être de plus en plus corrélé au maintien des aides, il vaut mieux que les éleveurs soient préparés. »
(1) L’étude a été proposée par l’entreprise Innov-Eco², qui l’a réalisée avec l’École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux (BSA). La section de Nouvelle-Aquitaine de l’Association française d’agroforesterie (Agr’eau) a soutenu financièrement la réalisation de l’étude.
(2) L’Unité de Gros Bétail est l’unité de référence permettant de calculer les besoins nutritionnels ou alimentaires de chaque type d’animal d’élevage.