Préservation des haies : « un échec des politiques », Philippe Pointereau, Solagro
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Référence environnement : La disparition des haies en France est-elle une idée reçue ?
Philippe Pointereau : Depuis les années 60, le développement de l’abandon de la polyculture-élevage, l’intensification des pratiques agricoles et le remembrement ont eu raison des haies. Si nous ne sommes plus dans les fortes périodes d’arrachage d’avant 1990, la disparition des haies, malheureusement, se poursuit. Les zones de production végétale en abattent toujours, tandis que dans les régions d'élevage, le bocage vieillit et n’est pas suffisamment renouvelé.
L’enquête Terruti-Lucas du service statistique du ministère de l’Agriculture indique qu’en 2014, 943 403 kilomètres de haies étaient comptabilisés en France, contre plus d’un million en 2006. Les haies et alignements d’arbres, qui avaient reculé de 5 700 hectares par an entre 2006 et 2012, ont régressé de 8 000 ha par an entre 2012 et 2014. Les bosquets ont perdu 16 000 ha par an entre 2006 et 2012, et 21 000 ha par an entre 2012 et 2014. En Basse-Normandie, 1 800 km de haies par an ont disparu entre 2006 et 2010.
R.E. : Pourtant, les agriculteurs ont entamé des actions de replantation…
P.P. : Bien sûr. D’après le recensement général de l’agriculture de 2010, 277 000 exploitations déclaraient entretenir des haies, et 20 000 en avoir planté dans les trois dernières années. 2000 à 3000 kilomètres de haies sortent ainsi de terre tous les ans. Mais nous avons calculé que nous perdons 14 200 km de haies par an. Les nouvelles plantations ne compensent donc pas les pertes.
Citons l’exemple de la Bourgogne qui est une référence en matière de politique de préservation des haies. La région a planté, dans ses appels à projets, moins de 45 km par an en moyenne entre 2005 et 2017. C’est peu, malgré tous leurs efforts. Il reste beaucoup plus difficile de planter que de détruire !
Référence environnement : Existe-t-il des moyens pour inverser la tendance ?
P.P. : Je pense que l’on peut parler d’un échec. Les politiques et les moyens comme souvent ne sont pas à la hauteur des enjeux. Stéphane Le Foll a pourtant lancé en décembre 2015 un plan agroforesterie, mais sans réelle enveloppe financière. Il faudrait une politique de l’arbre cohérente au niveau européen et davantage de moyens pour planter et valoriser le bois de haies.
Sur le terrain, le discours sur l’arbre champêtre n’est pas assez positivé et argumenté. Le maintien, l’entretien et la valorisation des haies ne doivent pas reposer sur des motivations administratives et réglementaires, mais bien s’inscrire dans une vision agro-écologique. On peut cependant conserver un certain optimisme en voyant l’émergence de nombreux projets collectifs sur la valorisation des plaquettes issues du bocage sous la houlette du label « bois bocage géré durablement » porté par le réseau Afac-Agroforesteries.