Le Parlement européen a formalisé par vote, le 13 mars, sa position en perspective des négociations avec les pays de l’UE concernant la nouvelle PAC. Les eurodéputés soutiennent globalement le projet de la Commission. Ils actent la subordination de 30 % des paiements directs au respect des mesures de verdissement, pour les exploitations de plus de 10 hectares. Les agriculteurs qui ne parviennent pas à respecter cette obligation perdraient des fonds de « verdissement », mais ne devraient pas être soumis à d’autres réductions de leurs paiements directs restants, ont décidé les parlementaires européens. Les mesures de verdissement sont conservées Les trois mesures principales de verdissement sont conservées mais de manière plus flexibles et graduelles. « Les députés ont validé l’obligation de diversification des cultures, explique Michel Dantin, eurodéputé qui a participé au vote. Concernant le maintien des prairies permanentes, nous avons souhaité que les indicateurs soient dégressifs depuis le niveau national jusqu’à l’exploitation. Enfin les surfaces d’intérêts écologiques seront mises en place de façon progressive avec un bilan à mi-parcours. Il reste à préciser sur quoi s’applique le calcul : l’ilot cultural comme cela se pratique en France ou la surface cadastrale de la parcelle. » Le Parlement a rejeté une proposition de la Commission visant à exempter les agriculteurs dont les exploitations sont certifiées au titre de systèmes de certification environnementale nationaux ou régionaux, des mesures de verdissement obligatoires. Les députés ont toutefois convenu que les agriculteurs biologiques seront automatiquement considérés comme « verts ». Ils ont par ailleurs rejeté le double financement des efforts environnement, entre le premier et le deuxième pilier de la PAC. Avant l’été Les députés souhaitent favoriser davantage les petits et jeunes agriculteurs, proposant que ces derniers reçoivent 25 % de paiements complémentaires pour un maximum de 100 hectares, tandis les paiements directs à toute exploitation seront plafonnés à 300 000 €. La forme finale de la politique agricole de l’UE sera décidée par le Parlement européen, les ministres européens de l’Agriculture et la Commission européenne, lors de négociations tripartites qui devraient débuter fin mars/début avril. La Commission européenne espère parvenir à une décision finale d’ici le début de l’été.
- Diversification des cultures : au moins trois cultures
Pour les eurodéputés, les agriculteurs possédant une exploitation de 10 à 30 ha devraient être tenus de planter au minimum deux cultures différentes. Les exploitations supérieures à 30 ha seraient contraintes d’avoir trois cultures, dont la principale ne pourrait couvrir plus de 75 % des terres, et dont les deux cultures principales ne pourraient, ensemble, couvrir plus de 95 % des terres arables.
- Prairies et pâturages permanents : le maintien est possible
Les États membres doivent garantir que la part des terres consacrées aux prairies et pâturages permanents soit maintenue et fixée par les États membres. Une proportion maximale de 5 % et, dans des circonstances exceptionnelles, de 7 % pourrait être convertie, affirment les députés.
- Surfaces d’intérêt écologique : 7 % en 2017
Initialement, durant la première année de mise en application des nouvelles règles, les agriculteurs devraient veiller à ce qu’au moins 3 %, contre les 7 % proposés par la Commission européenne, soient réservés à des « surfaces d’intérêt écologique », SIE. Un taux qui monterait à 6 % en 2016, puis à 7 % en 2017, suite à un rapport d’évaluation fin mars 2017 de la Commission européenne en vue d’une proposition législation approuvée par le Parlement et le Conseil. Les SIE peuvent, par exemple, inclure des jachères, terrasses, haies, fossés, murs de pierre, arbres champêtres et étangs, terres affectées aux cultures fixant l’azote, bandes tampons et surfaces boisées. Ils pourraient servir à la production à condition de ne pas utiliser de pesticide ou d’engrais, soulignent les députés. Enfin, les SIE pourraient faire l’objet d’une pondération en fonction de leur intérêt environnemental. Les coefficients seraient soumis par les États et approuvés par la Commission européenne.
- Pas de double financement des efforts environnementaux
Au moins 25 % des dépenses totales allouées aux programmes de développement rural devraient être réservés à des mesures agroenvironnementales et climatiques et au soutien de l’agriculture biologique. Le Parlement estime également que les mesures de « verdissement » optionnelles, financées par le budget consacré au développement rural, ne doivent pas faire l’objet d’autres financements du budget de l’UE. Cela signifie que les agriculteurs qui mettent en place les mesures de « verdissement » obligatoires devraient protéger davantage l’environnement pour pouvoir bénéficier de fonds supplémentaires du budget dédié au développement rural.
- Contraintes naturelles : proposition législative avant 2015
D’ici fin 2014, la Commission européenne devrait présenter une proposition législative établissant des critères biophysiques contraignants en vue de déterminer les zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques et afin de fixer les dispositions transitoires nécessaires.
Suite au vote le 13 mars du Parlement européen sur les textes de la future PAC, Xavier Beulin, président de la
FNSEA, a envoyé un courrier au ministre de l’Agriculture pour rappeler les positions du syndicat. Il regrette que le Parlement ait rejeté des aménagements sur les mesures de verdissement, qui doivent « s’appuyer sur un pragmatisme renforcé ». La FNSEA se dit favorable à l’approche progressive en matière de surfaces d’intérêt écologique, telle que proposée par les eurodéputés. Le syndicat rappelle que les mesures agroenvironnementales doivent soutenir le maintien de système ou les modes de production favorables à l’environnement et que les mesures contraignantes (directive cadre sur l’eau ou Natura 2000) doivent donner lieu à compensation pour les agriculteurs. Pour la
Coordination rurale, la Confédération paysanne et le Modef, il est dommage que les politiques n’aient pas « eu le courage politique de saisir l’opportunité de réorienter vraiment la PAC vers une politique plus juste et plus verte ».
Les Verts au Parlement européen regrettent que la réforme de la PAC se trouve ainsi « enterrée ».
Corinne Lepage, députée européen, déplore quant à elle « l’immobilisme du Parlement européen et l’incapacité des députés à se prononcer en faveur d’une réforme ambitieuse de la PAC. On touche là aux limites de la démocratie représentative qui a beaucoup de mal à prendre en compte l’environnement et les générations futures face aux lobbies ». Les organisations du
Groupe PAC 2013 estiment « que les maigres améliorations apportées aux textes ne suffisent pas à rendre la PAC réellement juste, écologique et solidaire ». Enfin, pour
José Bové, « les avancées sur les questions environnementales ont été balayées du revers de la main. »