Systèmes alimentaires du milieu, un modèle à peaufiner entre circuits courts et longs
Le | Projets-territoriaux
« Entre les circuits courts et les filières traditionnelles, se développent des projets intermédiaires pour les productions alimentaires. Ces démarches sont peu étudiées, et ne portent même pas de nom ! » C’est ce constat, formulé par Carole Chazoule, enseignante-chercheuse à l’Isara-Lyon, qui a incité différents partenaires à mener le projet Syam, pour « systèmes alimentaires du milieu ». La restitution de ce programme de recherche déployé depuis quatre ans dans la région Auvergne-Rhône-Alpes était organisée le 2 décembre à Lyon.
Plus de 100 entretiens ont été menés avec des opérateurs de 40 démarches locales pour mieux caractériser le phénomène, et identifier les leviers permettant de les accompagner. Pour Caroline Chazoule, l’aspect local constitue l’une des spécificités fortes des Syam : « Ces modèles ne sont possibles que sur un territoire donné, où les acteurs ne sont pas interchangeables, chacun est indispensable au succès. »
Des interactions nouvelles
« Opter pour un Syam, c’est prendre une forme de risque, explique de son côté Stéphane Fournier, enseignant-chercheur à Montpellier Supagro. Les habitudes de chaque acteur doivent évoluer au contact d’interlocuteurs inhabituels. » En ce sens, le projet de recherche montre que plus vite la phase de contractualisation débute, plus vite la confiance se construit, et plus solides sont les systèmes. « Quitter le conceptuel pour le concret, c’est se frotter plus rapidement aux difficultés et se tester les uns et les autres », synthétise Aurélien Quenard, chargé de mission circuits de proximité au Pôle agroalimentaire Loire. « Et ce n’est pas tout le temps facile, témoigne Marcel Augier, de Roanne Agglo. Pour notre filière de viande bovine « 100 % Charolais », éleveurs, acteurs de l’abattage et distributeurs se connaissaient peu, voire étaient en conflit ! »
Le rôle moteur du consommateur
Sans l’économie d’échelle des grandes filières, ni les économies propres aux circuits courts, le modèle économique doit être soigneusement monté. D’autant que de nombreux outils calibrés pour les filières très courtes, ou très longues, ne sont pas adaptés. Dans un Syam solide, la notion de partenariat prime sur celle de client. « Chacun doit accepter d’être transparent sur ses charges, détaille Mathieu Désolé, chercheur à l’Isara. Le maillon agricole est mis en position de « price maker », dans la plupart des cas. » Il n’y a pas de secret : un produit étiqueté « Syam » a un coût, et le succès dépend aussi du consommateur.
« Le critère local ou régional, même sans vente directe, et la notion de qualité, même s’il n’y a pas d’AOP ou un autre label, sont à valoriser », complète Stéphane Fournier. Ces logiques ne sont pourtant pas toujours faciles à afficher. « L’environnement et le social sont difficilement quantifiables, même si le ressenti est là, pour les acteurs des Syam comme pour les consommateurs… si on leur explique. La communication est primordiale ! »
Les collectivités, au carrefour des enjeux des Syam
La montée en puissance des Syam correspond d’ailleurs à l’évolution des attentes des consommateurs, qu’il s’agisse de collectivités ou de particuliers. « Même pour une entreprise d’ampleur nationale comme nous, le souhait des clients est clair : une logique de décentralisation au profit des acteurs des territoires », valide Isabelle Desclozeaux, responsable projet alimentaire territorial chez Sodexo. Le groupe est engagé dans la démarche « Toque et sens » avec des agriculteurs locaux, dont l’arboriculteur Gilbert Chavas. Ce dernier confirme que la logique de Syam n’a pas toujours été aussi robuste : « Ce type de filières a émergé dès les années 2000, mais elles étaient alors peu encadrées et peu visibles… il y a eu des échecs. Les producteurs ont besoin de partenaires de confiance. »
Parmi ces partenaires du microcosme des Syam, les pouvoirs publics ont toute leur place. Christophe Corbière, du conseil départemental de l’Isère, en témoigne : « Nous sommes au carrefour des enjeux de la filière Syam Éleveurs de Saveurs Iséroise. Nous voulions pérenniser et requalifier un abattoir en difficulté, mais nous sommes aussi clients, via notamment les cantines de nos collèges : nous pesons sur la demande. Enfin, nous avons des structures départementales comme la Chambre d’agriculture, qui agit directement sur le terrain. »