« Les partenariats entre la France, l’Europe et l’Afrique sont prioritaires », M Guillou (AAF)
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Présidente de l’Académie d’Agriculture de France (AAF) depuis janvier 2024, Marion Guillou revient sur les travaux effectués par l’établissement public sous son mandat et ceux en cours de réalisation. À quelques jours des élections législatives, elle livre également les sujets qui, selon elle, devront constituer les futurs programmes politiques en matière agricole.
Vous êtes bientôt arrivée à mi-parcours de votre mandat à la présidence de l'Académie d’agriculture de France (AAF). Quel bilan tirez-vous de vos six premiers mois et quels sont vos objectifs pour le reste de l’année ?
Marion Guillou : Mon premier objectif était de faire en sorte que les membres (120 titulaires, 60 correspondants + 60 associés internationaux + 60 correspondants associés + les membres émérites) s’y sentent bien et que les travaux soient participatifs, pertinents et utiles. Mon deuxième objectif, comme chaque président de l’Académie, a été de proposer un sujet d’étude pour mon année de mandat. J’ai choisi les partenariats entre la France, l’Europe et le continent africain sur les systèmes alimentaires. Il y aura plus de deux milliards d’Africains en 2050 : comment ces populations majoritairement jeunes vont-elles avoir du travail, notamment en agriculture et en milieu rural, et comment leur sécurité alimentaire, quantitative et qualitative, peut-elle être assurée ? C’est un thème essentiel. Chez nous, la sécurité alimentaire n’est pas totalement assurée, surtout pour des raisons d’excès de sucre et de gras. En Afrique, la situation empire depuis plusieurs années. Nous avons commencé, début janvier, par une séance de rentrée avec Ibrahim Mayaki, envoyé spécial de l’Union africaine sur les systèmes alimentaires, qui a introduit le sujet de manière magistrale. Depuis, un groupe de travail a publié une note sur cette problématique. Nous avons organisé le 25 mars un webinaire composé pour moitié d’Africains, l’autre moitié d’Européens, nous sommes en train de valider les conclusions de ce webinaire avec les participants et nous consulterons ensuite toutes les sections de l’Académie sur ce contenu. Nous organiserons à l’automne une rencontre avec de jeunes Français de jeunes Africains étudiant en Europe. Nous conclurons fin 2024, début 2025, par un événement public où nous communiquerons nos résultats, aux pouvoirs publics notamment. En outre, nous avons chaque semaine un colloque pour couvrir tous les sujets importants. Nous avions également envoyé une contribution au Gouvernement pour le projet de loi d’orientation agricole (PJLOA). Évidemment, nous ne savons pas, pour l’heure, ce qu’elle va devenir.
Quelles étaient vos propositions dans le cadre du projet de loi et ont-elles été retenues par le Gouvernement et lors de l’examen à l’Assemblée nationale ?
M.G. : Pas toutes. Une n’a pas pu, à ce stade, être conservée, sur le foncier, et concerner les baux ruraux environnementaux (BRE). Actuellement, nous sommes dans une situation complètement absurde où l’on n’a pas d’intérêt à améliorer l’état environnemental de sa parcelle : de fait, comme les BRE rapportent très peu aux propriétaires, ils n’ont aucun intérêt à investir. Le BRE existe déjà mais est très peu pratiqué, nous proposions une incitation fiscale pour faciliter ces baux, qui valorisent l’état environnemental en fin de bail). Nous avions également rappelé l’importance du conseil dans la transition agroécologique, et de son ouverture à des parties privées. J’espère qu’après les prochaines élections législatives, les thèmes du revenu des agriculteurs, de la transmissibilité, du renouvellement des générations, de la transition agroécologique seront encore à l’agenda mais pour l’instant, les programmes politiques ne sont pas très diserts là-dessus.
Quelle est la position de l’Académie d’agriculture quant à ces élections à venir ? Sont-elles de nature à vous préoccuper ?
M.G. : L’avenir ne nous laisse, bien sûr, pas indifférents. Nous publions en ce jour une position, non pas politique, mais sur des sujets transversaux qui paraissent essentiels au bureau. Elle contient deux idées essentielles. La première est la formation, dès l’école primaire, à l’approche scientifique, la nécessité d’appuyer les décisions publiques sur des approches solides, lutter contre les inventions de certains et la viralité de certaines formations complètement fantaisistes. La deuxième est sur l’importance des revenus agricoles, du lien à l’aval, des liens entre agriculture et environnement, le rappel qu’une politique climatique est une politique protectrice des agriculteurs, qui sont les premières victimes des désordres climatiques.