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Cédric Benoist, AGPB : « Au printemps, nous pourrions manquer d’engrais »

Le | Agrofournisseurs

À l’occasion de la conférence de presse de rentrée organisée le 8 septembre par l’AGPB, Référence Agro s’est entretenu avec Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l’AGPB, chargé du dossier engrais. Ce dernier s’est montré inquiet quant aux disponibilités pour la campagne 2023.

Cédric Benoist, AGPB : « Au printemps, nous pourrions manquer d’engrais »
Cédric Benoist, AGPB : « Au printemps, nous pourrions manquer d’engrais »

Référence Agro : Quelle est la couverture actuelle des organismes stockeurs et des agriculteurs en engrais ?

Cédric Benoist : Les achats de morte-saison sont retardés de deux mois. Alors que la couverture devrait, en septembre, être de 60 %, elle n’est que de 40 % environ. Les agriculteurs ne savent plus ce qu’ils doivent faire, certains se sont couverts mais d’autres ont préféré attendre, et courent aujourd’hui le risque de ne plus pouvoir s’approvisionner. La gestion de la volatilité et des risques économiques est un métier nouveau, et les organismes stockeurs doivent proposer des solutions et formations.

R.A. : Qu’est-ce qui explique cette faible couverture ?

C.B. : De nombreuses usines en Europe ont cessé de produire de l’ammoniac, les prix du gaz étant rédhibitoires. Certaines, proches des ports, peuvent importer de l’ammoniac hors UE, mais les sites industriels continentaux n’ont pas cette possibilité. Ces usines ont besoin de travailler toute l’année pour être rentables. Auparavant, les coopératives et les négoces achetaient plus que ce qui avait été commandé, et les agriculteurs avaient l’habitude qu’il y ait toujours du stock. Aujourd’hui, la sclérose des achats induit un risque sur les prix mais surtout sur les disponibilités. L’année dernière, le couperet n’est pas passé loin, mais cette année, nous sommes inquiets : les volumes d’engrais disponibles au printemps pourraient être insuffisants.

R.A. : Quelle stratégie les coopératives et négoces doivent-elles adopter ?

C.B. : Face aux prix qui nécessitent des trésoreries colossales, les OS doivent travailler avec les agriculteurs de concert, à la commande, avec des prix d’acompte. Les engrais sont des ventes à faibles marges pour les coopératives et négoces : ils ne peuvent pas absorber tous les risques. De toute façon, il est préférable pour les agriculteurs d’acheter en morte saison : la logistique est plus facile, et au cours des dix dernières années, il y a eu une seule année où les engrais étaient moins chers au moment de l’utilisation, en février.

R.A. : Quelles sont vos autres pistes pour assurer la disponibilité des engrais et en réduire le prix ?

C.B. : L’AGPB va travailler avec l’Unifa sur la souveraineté. Il y a eu plus de fermetures d’usines en Europe que dans le reste du monde, ce qui renforce notre dépendance. Et en même temps, nous sommes sur un marché mondial, où les flux sont libéralisés, mais où le marché européen des engrais est protégé par des droits de douane de 6,5 % et par des taxes antidumping de 22 à 42 €/t. Un producteur européen paie ses engrais 60 €/t plus cher que dans le reste du monde. Avec le Copa Cogeca et nos partenaires irlandais, nous sommes actifs sur ce sujet, et nous avons une audience devant la DG Trade, à la Commission européenne, dans deux semaines. Mais il ne faut pas se leurrer. Même si nous arrivons à lever les taxes, le marché ne reviendra pas à son niveau d’avant. L’autre sujet qui va s’imposer à nous prochainement, c’est la décarbonation des engrais. Pour le moment, il n’y a pas d’avancée majeure sur ce sujet, il y a surtout des prototypes, mais nous devons nous y préparer.