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Redevance engrais, des objectifs de réduction des émissions encore peu atteignables

Le | Agrofournisseurs

Alors que l’examen du projet de loi Climat et résilience débute au Sénat, la question de la redevance sur les engrais azotés continue de faire débat. Selon Étienne Mathias, responsable du département Agriculture au Citepa, si les objectifs de réduction des émissions d’ammoniac sont accessibles, ceux concernant le protoxyde d’azote ne peuvent être atteints sans une réduction du recours aux intrants.

Redevance engrais, des objectifs de réduction des émissions encore peu atteignables
Redevance engrais, des objectifs de réduction des émissions encore peu atteignables

Lors de son audition devant les sénateurs, le 4 mai 2021, Julien Denormandie a rappelé que la redevance sur les engrais minéraux restait hypothétique. Si la France ne respecte pas ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pendant deux années consécutives, et qu’aucune mesure européenne sur la question n’est prise, alors “il sera envisagé que le Parlement se saisisse de la question”. La France s’est engagée à réduire ses émissions de protoxyde d’azote (N2O) de 15 % en 2030, par rapport à 2015 et ses émissions d’ammoniac de 13 % d’ici à 2030 par rapport à 2005.

Pas de perspective de réduction du protoxyde d’azote

Etienne Mathias, responsable du département agriculture au Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), n’est pas optimiste : “Il n’existe à ce jour pas de signaux nous indiquant une dynamique de baisse des émissions et le potentiel de baisse des émissions de N2O semble faible”. 75 % des émissions proviennent des sols agricoles, or il n’est pas prévu de diminuer la surface agricole de la France et son intensité d’exploitation. L’industrie, autrefois forte émettrice de N2O, a drastiquement baissé ses émissions, passant de 81 kt de N2O en 1990 à 5 kt en 2019. L’agriculture demeure ainsi le principal levier permettant de réduire ces émissions à l’échelle nationale.

Parmi les pistes, “il y a notamment des expérimentations qui montrent que le chaulage des terres, en réhaussant le pH des sols, permettrait de légèrement réduire les émissions, indique Etienne Mathias, mais on en est encore au stade de la recherche”. Pour l’expert, la réduction des intrants reste la principale solution. “Il faut réussir à changer le raisonnement qui dit : si je mets moins d’azote, ça va faire baisser mes rendements, et ma marge. Ce n’est pas forcément le cas mais c’est bien ancré dans les esprits. Avec les incitations à l’agroécologie, on peut espérer que les alternatives moins consommatrices d’intrants progressent.”

Les objectifs de réduction de l’ammoniac sont accessibles

“En ce qui concerne l’ammoniac, nous avons une vision plus claire des possibilités de réduction, indique-t-il. Si on reste sur la tendance actuelle, nous devrions arriver à une baisse de 5 à 6 %. Avec une politique volontariste, nous pouvons atteindre les -13 %, même si cela constitue un défi ambitieux.” Plusieurs leviers permettent de réduire les émissions d’ammoniac : le recours aux ammonitrates plutôt qu’à l’urée, beaucoup plus émettrice de NH3 et l’enfouissement du lisier, avec des injecteurs ou des pendillards.

“Pour le fumier, plus difficile à enfouir, la seule technique efficace pour éviter les émissions d’ammoniac est de passer avec une charrue ou un outil à dent pour l’incorporer à la terre”. Étienne Mathias indique également qu’une partie importante de l’ammoniac émis en France est due aux bâtiments d’élevage et aux structures de stockage d’effluents. De nombreuses techniques existent pour réduire les émissions à ces niveaux (laveurs d’air, sécheurs de fientes, raclages avec évacuation fréquentes, couvertures de fosses), elles sont le plus souvent bien acceptées par les agriculteurs mais restent coûteuses.

Les engrais minéraux, responsables de 3 % des émissions de GES de la France

La place des engrais chimiques dans les émissions de gaz à effet de serre françaises n’est plus à démontrer. Selon le Citepa, la France produit chaque année 412 Mt d’équivalent de CO2 (CO2 éq), dont 73 Mt, soit 17,7 % sont directement imputables à l’agriculture. Les engrais minéraux représentent pour leur part 12,8 Mt CO2 éq, soit 3 % des émissions totales de GES de la France.

Il existe principalement deux gaz émis par les engrais azotés : l’ammoniac, ou NH3, dû à la volatilité de l’azote épandu sur les champs, et qui constitue un polluant atmosphérique et un précurseur de particules fines, et le protoxyde d’azote, N2O, un gaz au pouvoir réchauffant quasiment 300 fois plus puissant que le CO2, qui reste 120 ans dans l’atmosphère, et est dû à la transformation des produits azotés dans les sols agricoles.