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Les fabricants d’aliments du bétail tentent d’incorporer des ingrédients meilleurs pour le climat

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Les acteurs de la nutrition animale se penchent sur la décarbonation de leur activité. Parmi les leviers les plus forts : le choix des matières premières et le remplacement du soja brésilien.

De gauche à droite : Vincent Héral, responsabilité sociétale des organisations au Snia, Didier Gaudr - © D.R.
De gauche à droite : Vincent Héral, responsabilité sociétale des organisations au Snia, Didier Gaudr - © D.R.

« Quand les ONG s’occupent de nos sujets, c’est que nous avons raté quelque chose ! » Cette phrase est de Jean-Luc Cade, le président de La coopération agricole nutrition animale. Il s’exprimait à l’occasion d’une conférence sur la décarbonation de l’alimentation animale, le 15 septembre au Space à Rennes, organisée par l’Ifip-institut du porc. Pour lui, ce sujet ne doit pas être occulté par les entreprises du secteur. « Il va falloir structurer nos filières. Nous devons avoir un coup d’avance, surtout quand la société civile s’invite dans le débat », a-t-il insisté.

Se passer du soja brésilien

Pour décarboner le secteur, le levier le plus efficace est de se passer de certaines matières premières. « Pour participer à la décarbonation de l’élevage, les entreprises doivent identifier chaque produit déforestant », renchérit Éloïse Mas, responsable matières premières et durabilité à La coopération agricole. Le soja brésilien est naturellement montré du doigt. « L’Europe importe beaucoup de tourteaux de soja : ses actions sont essentielles pour lutter contre la déforestation importée », ajoute-t-elle. Alors que Bruxelles travaille à un règlement en la matière, les fabricants français ont signé un manifeste en février 2022, piloté par La coopération agricole nutrition animale et le  Syndicat national des industriels de la nutrition animale (Snia), pour un approvisionnement en soja 100 % non-déforestant d’ici à 2025, avec des paliers à 50 % fin 2022 et 75 % fin 2023.

Mieux valoriser les acides aminés

En vue de ces échéances, les entreprises tentent de se passer du soja, une des principales matières premières de l’aliment pour animaux. « Nous essayons de travailler avec des teneurs en protéines plus faibles grâce à des formulations privilégiant les acides aminés disponibles », explique Hervé Vasseur, directeur et spécialiste en nutrition animale chez Nutrea. Même stratégie chez Metex Noovistage : « Pour réduire le soja dans nos formulations, nous augmentons la part de céréales et de certains acides aminés, indique Josselin Le Cour Grandmaison, responsable innovation et solution. Nous pouvons baisser jusqu’à 33 kilogrammes de soja par tonne d’aliment ». Mais gare à la provenance de certains acides aminés de synthèse, comme la lysine et thréonine qui viennent notamment de Chine. Pas forcément beaucoup plus vertueux… « Il est possible de les suppléer par d’autres acides aminés comme le tryptophane ou la valine », indique Didier Gaudré, ingénieur nutrition animale à l’Ifip-Institut du porc.

Oléoprotéagineux français et insectes

Autre solution : accroître la production française de protéagineux, de tourteaux de colza et de tournesol. « Nous sommes preneurs », insiste Didier Gaudré. Quid des farines d’insecte ? « C’est une voie prometteuse du fait de leur richesse en protéines, indique-t-il. Mais ne nous ne connaissons pas leur teneur en acide aminés digestibles : il nous faut cet élément. »

Pour aider les entreprises, un travail est engagé au niveau européen pour harmoniser les méthodes de calcul, mais aussi fournir des outils évaluant l’impact environnemental de la fabrication d’aliment et l’intérêt de substituer des matières premières moins impactantes. Le président de La coopération agricole nutrition animale insiste : « Nous pourrions voir ce sujet comme une contrainte de plus…. Je pense au contraire que cela va être une opportunité économique. »