Biodiversité, l’association Noé veut outiller les filières alimentaires
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Pour l’ONG Noé, les acteurs de l’aval des filières ont le pouvoir d’influencer les pratiques d’un grand nombre d’agriculteurs, via leurs cahiers des charges. Pour les aider à mieux intégrer des critères de biodiversité dans leurs approvisionnements, Noé conçoit des outils dédiés. Ils ont été présentés le 1er juillet dernier, lors d’un webinaire.
« Les acteurs de l’agro-alimentaire souhaitant initier une démarche de progrès, en matière de préservation de la biodiversité, se heurtent à la complexité de cet enjeu. » Le constat est signé Pauline Lavoisy, responsable de la mission biodiversité agricole pour Noé. Cette association environnementale, qui accompagne la filière Harmony de Lu autour de cette thématique depuis 10 ans, élargit son action depuis 2018. Elle organisait un webinaire, le 1er juillet 2021, pour présenter les outils, finalisés ou à venir, qu’elle conçoit afin de faciliter le travail des filières de grandes cultures et viticulture.
14 indicateurs de suivi de la biodiversité pour les filières
Des experts scientifiques, politiques et issus de différents acteurs de filières agro-alimentaires ont contribué, via le Club AGATA, animé par Noé, à la sélection de 14 indicateurs. « En l’absence de métrique unique, comme le mètre cube de carbone émis pour le climat, nous avons construit cette liste à partir d’indicateurs déjà existants, pour en faire un ensemble cohérent », explique Pauline Lavoisy. Un guide d’utilisation est disponible depuis juin 2021. Noé revendique plusieurs atouts. Ces indicateurs sont en nombre restreint, quand d’autres dispositifs en agrègent plusieurs dizaines. Sélectionnés par des acteurs des filières, ils se veulent « accessibles » et pour certains, voisins ou similaires à des indicateurs déjà suivis dans certaines démarches, comme la HVE, pour limiter une lourdeur supplémentaire dans leur mise en place.
Dresser des passerelles avec des dispositifs existants
Noé peaufine d’ailleurs la construction d’un document resituant l’ensemble de ses 14 indicateurs dans l’écosystème actuel des cahiers des charges, labels et dispositifs de financement. « Il est important de montrer les passerelles qui existent déjà avec la biodiversité, continue Pauline Lavoisy. Les acteurs de l’aval des filières seront plus enclins à s’engager si on leur explique qu’un indicateur les rapproche d’un paiement vert, ou d’une reconnaissance déjà établie. » Pour ce qui concerne par exemple l’indicateur n° 1, « Infrastructures agro-écologiques (IAE) », il est déjà intégré, de différentes manières, à la Pac, la HVE, mais aussi à de nombreux cahiers des charges privés.
« Il s’agit surtout dans ce cas de faire parler ces chiffres, qui existent déjà, de biodiversité », complète Pauline Lavoisy. Mais « faire parler » les données n’est pas toujours évident. Toujours sur la base de l’exemple des IAE, la Pac parle de « surface d’intérêt écologique », alors que la HVE compte la « surface équivalente topographique », avec des modalités de calcul différentes, et pas forcément significatives quant aux réels bienfaits de ces IAE pour la biodiversité. Noé prépare donc un « convertisseur » qui permette, quelle que soit la métrique utilisée, de se rapprocher de la véritable surface d’IAE sur les exploitations.
Organiser des inventaires de biodiversité sur le terrain
Enfin, dernière originalité des indicateurs de Noé : la présence d’indicateurs dits « d’état ». « Par commodité, beaucoup de dispositifs actuels se cantonnent à des indicateurs « de pression », qui s’intéressent aux pratiques des exploitations, commente Pauline Lavoisy. Nous suggérons de relier ce type d’indicateurs à un état des lieux concret sur les parcelles, avec des indicateurs concernant par exemple les oiseaux, les pollinisateurs ou encore les micro-organismes des sols. » Ces indicateurs passent par des protocoles à réaliser au champ, demandant du temps, mais aussi des connaissances pas toujours intégrées dans les organigrammes des filières. Ici aussi, Noé souhaite faciliter les choses, en réalisant un « annuaire des naturalistes » qui recense, par zone géographique, les acteurs compétents pour ce type de protocoles (associations naturalistes, bureaux d’études, chambres d’agriculture, etc).
Fruits d’un travail bibliographique dans un premier temps, ces 14 indicateurs ont été « testés » par Noé et ses partenaires sur 2019 et 2020. En 2021, ils sont appliqués par une douzaine de coopératives, dans le cadre de projets portés par trois adhérents du Club AGATA : l’AGPB, Agromousquetaires et Barilla. En s’appuyant sur ses outils, aboutis en en cours de finalisation, et sur les retours d’expérience de ces projets, Noé espère faire boule de neige et inciter davantage d’acteurs des filières à opter pour ces indicateurs.