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Alain Le Floch, DG de Terrena - « Poursuivre et accélérer les mutations engagées »

Le | Cooperatives-negoces

En septembre dernier, Alain Le Floch quittait Vivescia pour Terrena. Depuis, il s’est fait discret dans les médias. Pour Référence-Agro, il revient, en exclusivité, sur les motivations de ce nouveau challenge personnel. Il nous confie également ses ambitions pour le groupe, nous dévoile les premiers résultats de la consultation lancée en fin d’année auprès des adhérents et salariés et se projette déjà sur l’après-confinement.

Alain Le Floch, DG de Terrena - « Poursuivre et accélérer les mutations engagées »
Alain Le Floch, DG de Terrena - « Poursuivre et accélérer les mutations engagées »

Déjà sept mois qu’Alain Le Floch a rejoint la direction générale de TERRENA. Un groupe dont le dynamisme et l’encrage territoriale l’ont séduit. Pour l’avenir, les challenges à relever sont nombreux, à commencer par la sortie de crise de la pandémie. Pour autant, la ligne tracée par le conseil d’administration reste d’actualité : accompagner chaque adhérent, innover pour répondre aux enjeux environnementaux, sociétaux et réglementaires.

Après avoir dirigé le groupe VIVESCIA, pourquoi avoir accepté, à 62 ans, de mettre le cap à l’Ouest pour prendre les rênes du groupe Terrena ?

Ce choix est avant tout lié à la rencontre avec le président Olivier Chaillou avec qui je partage une même vision du monde agricole. Terrena et Vivescia sont deux belles entreprises. Toutes deux ont une influence et une résonnance fortes à l’échelle de leur territoire. Si Vivescia est avant tout centrée sur les grandes cultures avec un outil industriel tourné vers l’international, Terrena est plus polyvalente et axée vers les marchés nationaux, notamment via ses filières animales. Dans les mutations actuelles que l’on perçoit et que l’on vit, les notions d’économie circulaire, de circuits de proximité, d’environnement, sont de plus en plus souvent mises en avant. Terrena s’affiche comme une belle plateforme pour répondre à ces enjeux. Il y a dix ans déjà, j’avais été impressionné par la dynamique des équipes de Terrena autour de « La Nouvelle Agriculture », par cette capacité d’innovation et d’engagement au travers de la notion de territorialité. Produire, transformer, et distribuer en local font partie de l’ADN de Terrena. Une ambition en phase avec les enjeux actuels.

Quelles sont les principales missions que vous a confiées le conseil d’administration de Terrena ?

L’une des missions de l’équipe de direction est claire : adapter la coopérative pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui, notamment environnementaux. L’objectif est de repartir des besoins de l’adhérent, de ses capacités d’innover pour accompagner sa mutation. Mais il n’existe pas un agriculteur type d’où la nécessité d’un accompagnement plus personnalisé pour trouver les réponses adaptées à chaque exploitation, à chaque écosystème. L’idée est de mettre en place des modèles plus fragmentés car il n’existe pas une solution mais des réponses à ajuster à chaque écosystème, à chaque exploitation.

Cette mutation passe-t-elle aussi par la création de nouveaux partenariats, de nouvelles façons de repenser les échanges ?

Oui tout à fait. À mon sens, l’économie du partage va se déployer car tout le monde ne pourra pas tout faire tout seul, notamment en termes de digital ou de logistique. Au sein de la coopérative, à nous de mettre en réseau les adhérents, d’inventer le facebook des exploitants. Les mutations en cours sont nombreuses : environnement, climatique, réglementaire, modes de consommation… Il faut faire vite. Or, le temps de la science, pour avoir des réponses pragmatiques, peut paraître long. Mettre en réseau les adhérents pour échanger leurs expériences, localement et par thématiques, permettra d’accélérer l’apprentissage. La consultation, lancée fin 2019 auprès de nos salariés et adhérents, nous permettra d’identifier les axes à conduire.

Quels premiers bilans émergent de la consultation lancée par Terrena fin 2019 ?

L’analyse des données collectées est en cours mais déjà, des premières tendances se dessinent. 7000 personnes ont participé à cette consultation sous différentes formes (plateforme numérique, débat…), 1000 propositions ont été formulées et près de 77000 votes effectués. Premier constat : la volonté de nos adhérents de continuer et d’accélérer les transformations engagées par le groupe : qu’elles soient environnementale, agricole ou alimentaire. Autre souhait : celui de participer à cette co-construction. Les adhérents veulent encore s’impliquer davantage, à condition de leur donner les moyens d’y arriver. Ils veulent également que leurs produits soient mieux identifiés : « on fait du bon, on le fait bien et on veut le dire ».

Le bilan de l’exercice passé devait être présenté fin mai, lors de votre Assemblée générale. Quand est-elle reportée ?

Le bilan de la consultation et celui de l’exercice passé devaient effectivement être présentés le 26 mai, lors de notre assemblée générale. Pandémie oblige, cette journée est reportée au mois d’octobre. Les résultats du bilan de l’exercice seront, eux, présentés aux adhérents avant mais nous ne savons pas encore de quelle façon. Même si le chiffre d’affaires est un peu en retrait, le résultat net est lui, positif. Nous sommes conformes à nos engagements.

Quelle est, à date, votre position sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires ?

Sur ce dossier, la position du groupe, évoquée par Olivier Chaillou en avril 2019 n’a pas évolué. Si nous devons choisir, nous opterons pour l’accompagnement de nos adhérents et donc, pour le conseil. Mais l’abandon de la vente pose la question de l’équilibre économique de l’entreprise, amplifié par la crise sanitaire actuelle. Tant que tous les textes ne sont pas publiés, nous conservons une position pragmatique. Oui pour le conseil mais nous regarderons s’il est possible de conserver une activité de vente. Conseiller la mise en marché de certaines molécules fait, de mon point de vue, tout à fait sens.

Après six semaines de confinement, quel est le bilan pour le groupe Terrena ?

Comme nous l’avons évoqué mi-avril, trois activités sont particulièrement touchées : le canard, les bovins et le vin. Les deux premières étaient déjà en souffrance avant la crise. Pour le vin, la baisse des ventes concerne aussi bien les vins tranquilles (20 à 25 % de recul) que les effervescents (60 à 70 % de baisse). Pour les jardineries en revanche, l’activité, lourdement impactée les premières semaines, reprend doucement : l’ouverture des magasins étant de nouveau autorisée.

Pouvez-vous chiffrer le bilan de cette pandémie pour votre entreprise ?

Impossible à l’heure actuelle d’avancer un chiffre même si nous suivons de près chaque activité. Désormais, nous devons avoir une vision à long terme mais cela reste compliqué d’autant que tous les secteurs d’activité ne vont pas reprendre en même temps.

Dans ce contexte particulier, quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Deux principaux nous occupent actuellement : l’après-consultation et l’après-confinement. Pour l’heure, nous absorbons les surcoûts tant logistiques que sur les coûts de production. La filière agricole ne pourra pas, à elle seule, supporter ce surcoût ? Quant à augmenter le prix des produits finis, pas sûr que les consommateurs aient le pouvoir d’achat pour continuer à soutenir les produits français. Quelles seront les réponses de l’aval ? Aujourd’hui, les circuits courts sont mis en avant. Mais après ? Y aura-t-il une vraie volonté politique pour soutenir la production nationale alimentaire ? Je l’espère.