Cinq OS incitent à augmenter la production de moutarde en Bourgogne
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Suite à la pénurie de moutarde du printemps 2022, l’association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne, qui regroupe trois coopératives et deux négoces, a augmenté le prix de vente de la graine de moutarde, pour inciter de nouveaux agriculteurs à adopter cette culture dans leur assolement. Pari réussi : les semis de cet automne ont triplé depuis l’année dernière.
Les semis de moutarde battent leur plein en Bourgogne. Et cette année, les surfaces ont été triplées, passant de 3500 ha à 11000 ha, selon les intentions de semis transmises par les agriculteurs à l’association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne (APGMB), constituée des établissements Bresson, de Dijon Céréales, 110 Bourgogne, Bourgogne du Sud et Soufflet Agriculture. Les semences sont produites localement, sur 10 à 15 ha répartis entre différents producteurs de moutarde bourguignonne. Elle coûtait environ 10€/kg lors de la précédente campagne.
Au printemps 2022, la France a traversé une pénurie de moutarde qui a mis en lumière la dépendance de cette filière aux importations. En raison du dôme de chaleur qui a sévi, en 2021, au Canada, le leader mondial de ce marché, les moutardiers français ont manqué de matière première.
Le prix de vente de la graine de moutarde, fixé à 2 000 €/t en 2023
« Depuis plusieurs années, la production s’érodait, confie Damien Racle, responsable collecte de Bresson. L’association a fait un travail important pour valoriser le prix de vente. » En Bourgogne, la production de graines de moutarde fonctionne selon un système original, au sein duquel l’association fixe un prix à la tonne en amont. Les industriels passent commande, en ayant connaissance de ce prix fixe, non négociable, et l’association tente d’assurer une production minimum pour répondre à la demande des industriels. En 2022, 80 % de la commande des moutardiers a été assurée.
« Le prix est construit grâce à un modèle qui tient compte des rendements des années précédentes, des coûts de production et du cours du colza, explique Fabrice Genin, agriculteur et président de l’APGMB. Le prix de la moutarde doit être compétitif avec celui du colza, car ces deux cultures appartenant à la même famille ne peuvent pas se suivre. « Notre objectif est d’avoir une marge supérieure d’au moins 10 % par rapport au colza », pointe Fabrice Genin. Fixé à 1350 €/t en 2022, le prix de vente au producteur a été réévalué à 2000 €/t en 2023. « Au moment où l’association a fixé ce tarif, le prix de la tonne de colza était compris entre 800 et 900 €/t, explique Damien Racle. Il fallait proposer un tarif compétitif pour la moutarde. » Au sein du négoce Bresson, les rendements 2022 de la moutarde ont été de 17,2 qx/ha, contre 30 qx/ha pour le colza.
Les OS de l’APGMB accompagnent la culture
« Nous, OS, ne vendons pas la marchandise, précise Damien Racle. Nous avons un rôle d’accompagnateurs de la production et de la récolte, puis les volumes sont stockés dans deux sites dédiés de Dijon Céréales. » Les graines de moutarde ne doivent pas être en contact avec du blé ou du soja, pour éviter les allergènes, mais aussi avec le colza, car les graines, très similaires, ne peuvent pas être triées.
Si la revalorisation du prix de la moutarde est incitative, cette culture reste difficile à produire, selon Romain Flamand, responsable appro des établissements Bresson. « La moutarde n’est pas forcément un bon précédent, même si elle laisse une bonne structure de sol derrière : du fait de sa faible densité, elle provoque un salissement de la parcelle. » Et les solutions techniques, sélectives du colza, sont peu nombreuses, pour lutter contre les ravageurs et les adventices. Seules deux molécules peuvent être utilisées en herbicide, mais en un seul passage par an, et à des doses très faibles. Enfin, la moutarde est une culture frileuse, qui peut souffrir des gelées hivernales. Malgré ces risques, les clients des établissements Bresson ont été séduits par la revalorisation du prix opérée par l’APGMB : ils sont 55 à avoir décidé de se lancer dans cette culture, contre 35 en 2022. Les surfaces ont presque doublé, passant de 720 à 1246 ha.
La filière moutarde de Bourgogne est divisée en trois pôles : un pôle production, constitué des cinq distributeurs de l’AGPMB, un pôle de recherche, au sein duquel on retrouve l’Institut Agro Dijon pour la sélection variétale et la chambre d’agriculture de Côte d’Or pour la recherche de références, et un pôle transformation, auquel appartiennent les industriels moutardiers : Unilever, Reine de Dijon, Moutarderie Fallot, Européenne de Condiments et Charbonneaux-Brabant.