Au Space 2024, les distributeurs confiants
Le | Cooperatives-negoces
Malgré une collecte réduite, la crise sanitaire, les baisses de volumes en production animale et le défi du renouvellement des générations, les coopératives et négoces affichent une certaine confiance quant à l’avenir de l’élevage, à l’occasion du salon des productions animales, Space, qui s’est tenu du 17 au 19 septembre 2024. Ils demeurent plus affirmés que jamais dans leur engagement envers le modèle de polyculture-élevage, typique de l’ouest de la France. Un Space qui s’est déroulé pour la première fois sans ministre de l’Agriculture.
Bernard Roussel, président de la Cooperl
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Bertrand Convers, délégué aux relations extérieures, et Bernard Roussel, président de Cooperl[/caption]
« Des élevages compétitifs répondant aux attentes sociétales »
« Nous adoptons une certaine forme d’optimisme quant à la possibilité de redynamiser le secteur et d’inciter les éleveurs à investir, tout en encourageant les futurs exploitants à s’installer. L’annonce par Iris Feeding de solutions connectées, qui permettent un gain de 5 euros par porc, s’inscrit dans cette perspective. Cette démarche contribue à renforcer la compétitivité et la durabilité de nos systèmes d’exploitation. Dans notre région, un éleveur sur deux est âgé de plus de 55 ans. Notre mission consiste à augmenter le nombre d’élevages transmissibles, en veillant à ce qu’ils ne soient pas en fin de vie, mais qu’ils restent compétitifs et en mesure de répondre aux attentes de la société.
Nous maintenons notre objectif de montée en gamme, sans pour autant viser nécessairement des niveaux tels que ceux des labels ou de l’agriculture biologique. Nous faisons face à plusieurs défis, notamment liés au climat, à la décarbonation et au bien-être animal, mais le consommateur n’est pas encore disposé à payer pour ces évolutions. Il nous faut donc identifier des valeurs ajoutées qui permettent de répondre à ces exigences, tout en conservant la compétitivité de nos exploitations. »
Rémi Cristoforetti, directeur général de Le Gouessant
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Rémi Cristoforetti, directeur général de Le Gouessant.[/caption]
« Nous maintenons notre stratégie de renforcer les productions végétales »
« L’ambiance générale est relativement apaisée, bien que des tensions persistent au sein des filières contractualisées et que l’augmentation des importations soit préoccupante. En ce qui concerne l’agriculture biologique, nous avons accompagné les éleveurs dans la transition vers des élevages en plein air, avec 450 000 poules passant du statut bio à celui de plein air, soit environ la moitié des effectifs concernés.
La campagne céréalière a été particulièrement difficile, avec une baisse de rendement de 25 %, et une chute encore plus marquée de 45 % pour les cultures biologiques. Malgré cela, nous maintenons notre engagement en faveur de la diversification de nos activités, notamment avec les productions végétales, Pour garantir des élevages performants, un apport végétal solide est nécessaire. La dynamique de production hors-sol était forte dans notre région, la transmission des exploitations s’opère principalement par l’élevage, mais un équilibre avec les productions végétales est désormais indispensable.
Il est donc impératif de développer des débouchés pour les cultures végétales. À cet égard, nous concentrons nos efforts sur les protéines végétales, en particulier à travers la culture du pois et de la féverole. L'usine d’ingrédients bio située à Noyal-sur-Vilaine traite actuellement 1 500 tonnes de matières premières, et nous avons pour ambition d’atteindre une capacité de 4 000 tonnes d’ici trois ans. Cela représente un véritable défi, car il s’agit d’un marché nouveau, avec de nouvelles cultures à développer.
En ce qui concerne les légumes, nous avons acquis, il y a deux ans, une société d’expédition de fruits et légumes frais, Celtileg, située à Paimpol. Nous renforçons également nos infrastructures industrielles dans le secteur de la pomme de terre. »
Pierre Antonny, directeur Eureden Agriculture
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Denis Ernotte, directeur de la communication, et Pierre Antonny, directeur Eureden Agriculture[/caption]
« Accompagner l’installation de 100 à 150 exploitants par an »
« Le principal défi auquel nous sommes confrontés est le renouvellement des générations. Parmi nos 18 000 adhérents, environ 3 % partent à la retraite chaque année. Nous avons pour objectif d’accompagner l’installation de 100 à 150 exploitants par an, avec l’ambition d’atteindre progressivement 200 installations annuelles. Pour soutenir cet effort, nous avons prévu une enveloppe budgétaire de 10 millions d’euros sur les cinq prochaines années. En juin 2024, nous avons également lancé Repiz’Agri, une société qui fonctionne comme une agence immobilière dédiée aux exploitations agricoles.
La dernière récolte a été particulièrement difficile, marquée par une baisse de la collecte de 18 %. Nous avons ainsi collecté 700 000 tonnes, contre 850 000 tonnes habituellement. Ces chiffres reflètent concrètement l’impact du changement climatique et renforcent notre conviction quant à l’importance de diversifier les exploitations, notamment en combinant polyculture et élevage.
Nous observons avec préoccupation une tendance à la descente en gamme. Ce phénomène nous touche particulièrement, car nos marques reposent sur l’innovation et la création de valeur. Nous restons vigilants quant aux évolutions de la consommation et aux cahiers des charges exigés par les consommateurs. En 2024, un seul producteur de porc biologique a été installé, et nous ne prévoyons pas d’autres installations pour le moment. En revanche, sur le marché des œufs, nous avons anticipé la crise et évité les déconversions. Il n’est pas viable de poursuivre la production si les débouchés commerciaux sont absents. Actuellement, un poulet sur deux consommé en France est importé. Il est donc essentiel de réaffirmer la nécessité de l’origine France.
Nous investissons également dans la digitalisation de notre relation avec les adhérents. En mai 2024, nous avons lancé l’initiative « Côté Marché », dédiée aux céréales. Nous avons de grandes ambitions dans le domaine du numérique, même si le contact direct sur le terrain demeure essentiel. »
Eric Forin, directeur de Terrena
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Eric Forin, directeur de Terrena[/caption]
« Des messages optimistes pour les futurs exploitants et la société »
« Nous transmettons des messages positifs à l’occasion du Space. Bien que les agriculteurs soient confrontés à de nombreux défis, il est essentiel de ne pas renoncer et de se préparer aux saisons à venir. Nos adhérents bénéficient d’une double présence, à la fois dans le végétal et dans l’animal. Cette résilience repose sur une diversification que Terrena a particulièrement développée.
Ces messages optimistes s’adressent également aux futurs exploitants, auxquels il est important d’apporter une vision claire et de la visibilité. Ils concernent aussi les consommateurs et la société dans son ensemble. Tous les secteurs sont impliqués dans la création de produits de qualité à des prix accessibles, un objectif central dans la stratégie de Terrena. Il est nécessaire de répondre aux enjeux actuels tels que la décarbonation, la gestion des ressources en eau et la préservation des écosystèmes locaux. Nous devons redonner du sens aux actions entreprises, répondre aux interrogations de la société, et faire comprendre aux citoyens le travail mené par les agriculteurs. L’accompagnement et le conseil jouent un rôle déterminant pour accélérer la transition du secteur agricole et pour mettre en œuvre les transformations indispensables. »
Ludovic Spiers, directeur d’Agrial
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Ludovic Spiers, directeur d’Agrial[/caption]
« Les agriculteurs deviendront des énergiculteurs »
« Le contexte agricole actuel est favorable. Le prix du lait a franchi un palier grâce à la loi Egalim, et la production bovine a bénéficié de l’inflation. Cependant, la baisse des volumes de production dans les filières animales suscite des inquiétudes à moyen terme. Elle remet en question notre capacité de production industrielle. Depuis les années 2000, nos activités liées à l’alimentation animale sont en déclin, une tendance qui se poursuit.
Par ailleurs, nous investissons de manière significative dans la production d’énergie, avec un renforcement des compétences au sein de nos équipes. Nous sommes conscients que, dans un avenir proche, les agriculteurs deviendront également des énergiculteurs, jouant un rôle clé dans la production d’énergie.
L’inflation, couplée à la hausse des salaires, a entraîné une augmentation de 20 à 25 % du coût des produits alimentaires. Cela a conduit les consommateurs à se détourner des produits premium. Tous nos produits d’excellence enregistrent une baisse des ventes. En revanche, les volumes en marque de distributeur (MDD) progressent, car les consommateurs recherchent avant tout des prix plus bas. Chez Agrial, la moitié de nos produits sont vendus sous marque de distributeur.
Nous poursuivons également nos investissements dans le réseau de proximité. Notre objectif est de garantir la présence d’un site à proximité, dans un rayon maximal de 15 kilomètres de chaque exploitation. »
Cyril Legris, délégué régional Négoce Ouest
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Cyril Legris, délégué régional Négoce Ouest[/caption]
« Davantage de visibilité pour les écoles »
« Notre action principale lors du Space consiste à aller à la rencontre des écoles, en collaboration avec les négoces de la région. Je mets en avant nos métiers, car nous avons un besoin urgent de gagner en visibilité. Actuellement, nous ne sommes pas suffisamment connus. Le fait que les écoles soient situées dans le même hall que nous facilite grandement ces échanges.
Le premier métier recherché par nos entreprises est celui de commercial, un maillon essentiel de nos modèles économiques. Nous cherchons à recruter des jeunes à l’écoute, dotés de grandes capacités d’adaptation, car ce métier est en constante évolution.
Concernant la collecte, la situation est préoccupante, avec des baisses pouvant atteindre jusqu’à 40 %. Les résultats sont toutefois hétérogènes selon les régions. Dans l’Ouest, l’élevage permet de compenser en partie cette mauvaise récolte. Cependant, cela reste un sujet important, notamment pour l’accompagnement des entreprises. Nous allons les soutenir en les aidant à anticiper les risques liés à la clientèle, et nous organiserons des formations spécifiques sur ce sujet. »
Sébastien Blot, directeur de Garun-Paysanne
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Sébastien Blot, directeur de Garun-Paysanne[/caption]
« Renforcer la végétalisation des activités »
« Nous avons agrandi notre stand afin d’améliorer notre visibilité. En juillet 2024, nous avons acquis la société Maudet, dont le chiffre d’affaires s’élève à 40 millions d’euros et la collecte à 100 000 tonnes. Cette acquisition nous a permis de nous étendre dans le département de la Sarthe. Nous renforçons la végétalisation des activités de la coopérative. Cette orientation s’inscrit dans un contexte de recul des volumes de production animale, ce qui impacte naturellement la nutrition animale, un secteur dans lequel nous sommes bien implantés. Avec la reprise de Maudet, nous atteignons désormais une collecte de 270 000 tonnes de céréales.
Nous continuerons également à investir pour moderniser nos outils de production. En 2023, nous avons déjà investi 3,8 millions d’euros à cet effet. »
Vincent Guilhem, directeur de Céréapro
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Vincent Guilhem, directeur de Céréapro[/caption]
« Prospecter davantage pour conserver la collecte »
« La collecte a été particulièrement complexe cette année. Il reste à voir quelles quantités les agriculteurs nous confieront. Notre objectif est de maintenir notre volume de collecte, fixé à 480 000 tonnes de céréales, bien que cela représente un véritable défi dans le contexte actuel.
Pour atteindre cet objectif, nous allons renforcer notre présence sur le terrain et intensifier nos actions de prospection. Nous avons récemment recruté deux nouveaux commerciaux. Nous espérons que ces embauches contribueront à l’atteinte de nos objectifs. »