Derniers échos d’une moisson à rallonge
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Le 27 août, les moissonneuses étaient encore en action au nord de la Seine et dans l’Ouest du pays. Une collecte en pointillés, interrompue à de multiples reprises par les pluies. L’heure est au bilan et… à la négociation pour discuter des contrats non honorés ! La qualité, prometteuse fin juin, s’est dégradée au fil des semaines.
« C’est ma première rentrée avec la moitié de mes blés non récoltés, soulignait Sébastien Windsor, président de l’APCA et agriculteur près de Rouen, lors de la conférence de presse du 24 août. Des moissons tardives, cela arrive mais pas quand le blé est mûr ! Je ne savais pas que les PS pouvaient descendre si bas, à 64. » Même constat pour Christophe Hillairet, président de la Chambre d’agriculture d’Île-de-France et agriculteur dans les Yvelines. « L’année a été extrêmement compliquée. Les inondations ont non seulement des impacts sur les cultures en place mais en auront sur les récoltes futures, car les sols sont tassés, matraqués. » Déjà fin juillet, notre tour de plaine révélait une moisson aux situations contrastées.
Des acheteurs nerveux et exigeants
Chez Agora, dans l’Oise, la moisson se termine enfin. « Au 26 août, ne restent que quelques parcelles de blé à récolter, confirme Thomas Taldir, responsable céréales au sein de la coopérative. Dans le contexte climatique de l’année, au final, nous nous en sortons plutôt bien. Une grosse partie des volumes était rentrée fin juillet avec d’excellents résultats en termes de qualité et de rendement. Ensuite, l’allotement a été plus compliqué avec des lots très hétérogènes à réceptionner. La moyenne des rendements devrait se situer entre 80 et 83 q/ha, soit 2 à 3 q/ha de moins que l’an passé. Pour la qualité, la moyenne des PS se situe à 74,7 et celle des protéines à 11,7 mais avec de gros écarts selon les parcelles. Heureusement, nous avons les outils pour bien travailler le grain : il faut juste nous laisser un peu temps ! Le retard pris dans le calendrier des moissons et le contexte de marché actuel rendent les acheteurs nerveux et exigeants. Nous avons une énorme pression pour livrer rapidement sur Rouen. Le timing est certes décalé mais nous restons sereins. »
Davantage de blés fourragers
Plus au Nord, chez Vaesken (59), 5 % des blés tendres étaient encore à récolter le 26 août. « Nous sommes aujourd’hui à plus de 30 jours de moisson : un record, constate Étienne Bracquart, directeur général du négoce. Entre le 15 juin et le 15 août, la pluviométrie a été multipliée pas trois par rapport à une année normale. Les rendements sont en recul de 20 à 25 %, à 80 q/ha de moyenne. La qualité, très hétérogène, nous a contraints à déclasser des blés meuniers en fourragers. La proportion de ces derniers atteint 40 à 50 %, contre 30 % les autres campagnes. Si les taux de protéines sont très bons (12 de moyenne), les PS sont plus hétérogènes : 74 de moyenne avec des écarts allant de 66 à 77. Après deux années moins humides, les séchoirs ont repris du service cette année. Tout le travail des OS en termes de séchage et de nettoyage est capital. Ne l’oublions pas, c’est le cœur de notre métier. Notre préoccupation est désormais d’honorer les contrats meuniers sur le port de Dunkerque. »
De fortes décotes
La qualité des lots reste la préoccupation majeure des OS… et des acheteurs ! « Il y a des décotes importantes, poursuit Christophe Hillairet. En ce qui me concerne, un camion, parti de mon exploitation avec du blé vendu 235 €/t, a subi une décote au port de Rouen de 30 €/t car le poids spécifique était sous 76. Et mon blé était bien payé, imaginez ceux qui le vendent autour de 180 ! » Arvalis et FranceAgriMer constatent, dans une note commune, que « les blés affichent des PS irréguliers et en retrait par rapport au potentiel des variétés. Une hétérogénéité qui contraint les opérateurs à renforcer les opérations d’identification et de tri des lots ». Les temps de chute de Hagberg et les taux de protéines semblent, en moyenne, moins affectés.
Une collecte proche des 35 Mt
En termes de rendement, Agritel table, au 24 août, sur une collecte de 34,93 Mt, soit un retrait de près de 3 Mt par rapport aux estimations de fin juin. Le rendement moyen atteindrait 70,7 q/ha, soit 1 % de moins que la moyenne des dix dernières années, pour une surface de 4,94 Mha selon le ministère de l’Agriculture.