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Une collecte 2021 en deçà des espérances

Le | Cooperatives-negoces

Alors que la collecte des céréales est loin d’être finie dans de nombreuses régions, les moissonneuses-batteuses sont à l’arrêt à cause des pluies. Les premiers bilans chez les distributeurs font état de rendement en dessous des espoirs du printemps, avec des qualités disparates, mais également de bonnes surprises, notamment sur le colza. Dix distributeurs témoignent.

Une collecte 2021 en deçà des espérances
Une collecte 2021 en deçà des espérances

Les responsables de la collecte sont loin d’être en vacances ! À l’arrêt dans une bonne partie de la moitié nord de la France, les moissons reprendront la semaine du 2 août… si le temps le permet ! La collecte 2021 des céréales accuse un retard record. Les rendements sont jugés moyens, ou plutôt en deçà des espérances du printemps qui voyaient se profiler une récolte exceptionnelle. La qualité est pour l’heure au rendez-vous mais les conditions climatiques à venir font craindre une diminution de celle-ci. Bonnes nouvelles toutefois : les cours sont hauts et les colzas semblent tirer leur épingle du jeu. De la Bretagne à la Lorraine et des Hauts-de-France à la région Paca, dix distributeurs nous livrent leurs premiers bilans.

 

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Groupe Carré (62) - Jean Deray, responsable céréales

« 2021 est parti pour être un bon cru »

« Nous avons terminé les orges d’hiver. Les rendements s’élèvent à environ 80 qx/ha, soit autour de la moyenne sur cinq ans sur la zone, voire un peu moins, avec des PS d’environ 63 kg/hl. Ce qui est tout juste mais suffisant pour répondre au cahier des charges export vers la Chine. Ces résultats sont en deçà de nos espérances : nous nous attendions à une année à très fort potentiel avant que les conditions climatiques entre la mi-juin et la mi-juillet ne viennent gâcher la fête.

Nous n’en sommes qu’au début de la récolte des colzas et des blés, avec respectivement 5 % et 10 % de la collecte. Sur les blés, les rendements s’annoncent également moyens. La qualité est au rendez-vous, pour ce qui a été rentré avant les pluies : des PS autour de 78, des taux de protéines de 12 %, de bons indices de chute de Hagberg, et l’absence de mycotoxines.

Les potentiels de rendement n’ont pas pu s’exprimer jusqu’au bout et amènent une touche de déception. Mais les prix de vente sont historiquement hauts, autour de 200 euros la tonne de blé et 500 euros pour le colza. Du coup, 2021 devrait être un bon cru en termes de marge par hectare pour les agriculteurs. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Eureden (22) - Michel Le Friant, responsable des métiers du grain

« Le colza sera la meilleure marge brute des grandes cultures en Bretagne »

« En Bretagne, les moissons sont à l’arrêt et la semaine qui s’annonce nous inquiète sur leur reprise. Nous en sommes à 67 % de la collecte des orges par rapport à 2020. Le rendement est décevant, autour de 60 qx/ha. Certains PS ont chuté du fait de l’impossibilité de récolter des orges matures début juillet à cause des pluies : sur ces premières parcelles, ils ne dépassent pas les 62, contre une moyenne désormais à 65 sur le total collecté.

15 % des blés sont récoltés, avec des disparités entre le nord et le sud de la région, allant de 5 à 80 % des surfaces moissonnées. La qualité est correcte, avec des PS frôlant les 79 pour démarrer, mais en retrait d’une bonne année. Ces blés sont pénalisés en rendement par des petits PMG, malgré un état sanitaire idéal jusqu’ fin mai. Le défaut d’ensoleillement depuis mi-juin se paie cher aujourd’hui ! Pour la suite, nous craignons une baisse de la qualité, avec des fins de cycle abrégées par la vague de chaleur de mi-juillet qui va se traduire par une baisse du potentiel de rendement.

Le colza sera finalement la meilleure marge brute des grandes cultures sur la Bretagne. Alors que les surfaces ont reculé de 8 % en un an, nous retrouvons dans de nombreuses situation les mêmes rendements qu’en 2019 : ils dépassent 40 qx/ha sur les bonnes parcelles, avec une hétérogénéité des résultats qui s’explique par des dégâts d’hernie ou un égrenage en façade maritime.

Les pois attendent dans les champs que la météorologie permette les battages. Quant au maïs, il accuse aujourd’hui un retard de huit jours environ.

Les prochaines semaines devraient être intensives dans les champs. Grâce à la mise en place d’Eureden et au maintien d’un réseau de collecte de proximité, nous avons la possibilité d’absorber cette prochaine vague et de spécialiser les séchoirs pour maximiser leurs débits. Ce qui nous sécurise en récolte importante, multi-produits, dans un contexte climatique incertain et avec des producteurs inquiets. »

EMC2 (55) - David Meder, directeur terrain

« La météo capricieuse a fait converger la maturité de toutes les espèces »

« Le phénomène marquant de cette année est que le jour où la moisson a démarré, nous avons rentré des orges d’hiver, du blé, du colza, des orges de printemps, de l’avoine, etc : la météo capricieuse a fait converger la maturité de toutes les espèces. Pour le moment, un tiers de la moisson est faite. La récolte des orges d’hiver est terminée, mais les rendements sont moyens, la qualité peut parfois se retrouver dégradée par la pluie, et les calibrages sont à 70 %, contre 80 % les deux dernières années. Les blés ne présentent pas de problèmes particuliers, mais seul un tiers est rentré, et j’ignore quelle sera la qualité des deux tiers restants après les averses de cette semaine. Nos enjeux sont : comment alloter, valoriser, travailler le grain, s’il est dégradé ? Le 25 juillet, alors que la pluie reprenait, les agriculteurs ont eu la possibilité de récolter et livrer des orges de printemps et des blés affichant jusqu’à 18 % d’humidité, qui seront séchés, afin de préserver la qualité avant l’épisode pluvieux. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Valfrance (60) - Hugues Desmet, responsable collecte

« Les rendements sont plus médiocres que ce qui était espéré »

« Depuis le 18 juillet, 50 % de la moisson est rentrée : les orges d’hiver et le colza sont quasiment finis et les agriculteurs ont récolté la moitié du blé et des orges de printemps. Valfrance compte collecter 800 000 tonnes, dont la moitié est stockée en ferme. Pour le moment, il n’y a pas de problème de qualité : les indices de chute de Hagberg affichent un niveau satisfaisant, à 280. Mais les rendements sont plus médiocres que ce qui était espéré, même s’ils sont loin des niveaux de 2016. Depuis le 25 juillet, nous sommes complètement à l’arrêt à cause de la pluie : il est tombé entre 20 et plus de 45 mm, selon les endroits, ce qui laisse craindre une dégradation de la qualité des céréales qui restent à moissonner. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Cal (54) - Philippe Hance, responsable chaîne logistique service céréales

« La coopérative va avoir du mal à trouver du bon blé pour alloter »

« Les rendements des orges d’hiver se situent autour de 67 qx/ha (la moyenne quinquennale est à 62 qx/ha, ndlr) mais les niveaux de germés sont importants, avec des PS en dessous des standards et des calibrages médiocres. Les blés ont aussi germé, et maintenant c’est la fusariose qui s’invite. La coopérative va avoir du mal à trouver du bon blé pour alloter. Les temps de chute sont en régression, et il est certain que cela va se dégrader. Au moins 30 % de la collecte de blé devrait passer en fourrage. C’est dommage car ils étaient de toute beauté : les agriculteurs pensaient faire 80 à 85 qx/ha, et ils seront plutôt à 68 qx/ha. Quant aux pois, on espérait pouvoir rivaliser avec les champenois, mais on déplore de la germination sur pied. C’est notre plus grosse désillusion : des cosses ouvertes, des grains tombés au sol, etc. D’un objectif de 40 à 50 qx/ha, il ne devrait rester que 30 qx/ha. Tout cela pose problème pour la contractualisation : la coopérative avait engagé des volumes importants, car les prévisions étaient prometteuses et la campagne était porteuse en termes de prix. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Terrena (44) - Jean-Jacques Paillat, directeur commercial

« Nos capacités de réception et de dégagement ont été sollicitées au maximum »

« Avec la pluie début juillet, toutes les espèces sont arrivées en même temps dans les silos de Terrena : nos capacités de réception et de dégagement ont été sollicitées au maximum. Il nous reste aujourd’hui 25 à 30 % de notre collecte. Laquelle est bonne à très bonne pour les orges, avec une belle surprise pour le colza. Les rendements s’élèvent, en moyenne, à 71 qx/ha pour les orges, 72 qx/ha pour les blés tendres avec de bons PS et taux de protéines, 35 à 40 qx/ha pour les colzas avec des pics à 50 qx/ha. Nous nous attendons à une baisse de la qualité pour la suite de la collecte à cause des pluies de ces derniers jours. Sur le blé dur, les indices de chute de Hagberg sont bas. Quant aux protéagineux, il est trop tôt pour un bilan. Toutefois, nous sommes déçus par les rendements des féveroles. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Oxyane (69) - Jerome Laborde, directeur du service végétal

« 75 % de la collecte des blés est classée en blés meuniers »

« Dès le 18 juillet, nous avons connu une montée en puissance de la récolte. À ce jour, 70 % des blés, 95 % des orges et 85 % des colzas ont été récoltés. La qualité est très hétérogène selon les secteurs, avec des soucis de blés germés, comme on pouvait le craindre, mais le PS et la protéine sont souvent au rendez-vous, et les rendements tant sur les blés, les colzas que sur les orges sont bons.

Nous avons quelques inquiétudes sur les volumes qui restent à rentrer, avec une météo qui s’annonce encore très capricieuse. Sur la base des premiers éléments connus, 75 % de la collecte des blés déjà réalisée est classée en blés meuniers. Un important travail d’allotement est fait par les équipes. »

CAPL (84) - Valérie Mazoyer, responsable semences

« La meilleure année depuis dix ans en blé dur »

« 85 % de la collecte de blé dur est réalisée. C’est la meilleure année depuis dix ans, tant au niveau qualité que productivité. Les rendements oscillent entre 5 et 8 tonnes par hectare, les PS avoisinent les 80 et les taux de protéines tournent autour de 13,5. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.

Lorca (57) - Gautier Lerond, directeur du pôle agriculture

« Nous réfléchissons à proposer d’autres têtes d’assolement que le colza »

« Nous avons effectué environ 50 % de la collecte, avec un avancement à 95 % sur les orges d’hiver, à 40 % sur le blé et à 50 % sur le colza. Pour cette dernière culture, nous ne nous attendons à rien de terrible. La surface de colza a été divisée par cinq en cinq ans, et cette année, nous avons eu de gros soucis d’implantation : les colzas ont peu ou pas levé, et ont été mis à mal avec des problèmes d’insectes, de froid, de gel tardif et d’excès d’eau en fin de cycle. Nous souhaitons maintenir le colza, qui demeure une culture pertinente en tête de rotation pour nos adhérents, et parce qu’il se récolte en même temps que les céréales, mais la coopérative réfléchit également à proposer d’autres têtes de rotation, comme les tournesols, les pois protéagineux ou le maïs.

Les rendements seront hétérogènes et décevants dans toutes les cultures : de l’ordre de 25 qx/ha pour le colza, et de 10 points de moins que les prévisions pour le blé et l’orge. La bonne nouvelle, c’est que la perte de rendement et de qualité sera compensée par des prix qui demeurent hauts aujourd’hui et qui resteront porteurs, espérons-le, au moins jusqu’à la fin de la moisson. »

Une collecte 2021 en deçà des espérances - © D.R.
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Qualisol (82) - Emmanuel Descloux, directeur général

« Pour les blés, l’inconnue c’est la réaction des marchés mondiaux »

« En conventionnel, nous avons quasiment terminé une collecte qui a été rythmée par la pluie. Il y a eu un avant et un après 14 juillet, où 60 mm sont tombés. Les protéines sont au rendez-vous, nous allons atteindre notre prévisionnel en conventionnel et en bio, et le PS n’est pas mauvais. Mais selon les variétés, certains temps de chute sont en dessous de la moyenne. Le responsable collecte a eu le bon réflexe d’isoler les lots dès le 15 juillet, et nous allons en mélanger certains pour les valoriser. Ce qui sera écarté sera du fourrage, ce qui n’est pas dramatique dans la mesure où il y a une forte demande en protéines pour les animaux et que les prix ne sont pas mauvais. Pour les blés, l’inconnue aujourd’hui c’est la réaction des marchés mondiaux. Nous commercialisons en Espagne et la question de la qualité des blés de la mer noire, Ukraine en tête, va se poser. »

Par Stéphanie Ayrault et Elena Blum