Inrae et Scara, une thèse pour mieux saisir les impacts environnementaux des pratiques
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La Scara encadre, depuis trois ans et dans le cadre d’une convention avec Inrae, une thèse portant sur l’impact des pratiques agricoles sur l’environnement. Emma Soulé, qui réalise cette thèse, explique à Référence Agro les contours de son travail, et de cette collaboration gagnant-gagnant.
Depuis trois ans, Emma Soulé est salariée par la Scara, coopérative auboise, dans le cadre particulier de la réalisation d’une thèse encadrée par Inrae. L’intitulé de ce travail de recherche : « Évaluation des performances agroécologiques et économiques des systèmes de culture et exploitations agricoles au niveau d’un territoire agricole de grandes cultures. » Cette collaboration entre dans le cadre des conventions industrielles de formation par la recherche, Cifre, gérées par l’Association nationale recherche technologie.
Si les coopératives agricoles ne sont pas très familières de ce type de convention, la Scara avait toutes les prédispositions pour accueillir Emma Soulé. « La coopérative est très impliquée dans l’évolution des pratiques, elle porte plusieurs cahiers des charges : Harry’s, CRC, HVE, Lu’Harmony, Agri Confiance… De plus, elle travaille déjà avec l'ONG Noé sur une logique d’indicateurs de biodiversité », explique-t-elle. C’est notamment via les échanges techniques dans le cadre de la construction des cahiers des charges filières que Christian Backsteller, directeur de thèse d’Emma Soulé, a pu dresser des passerelles avec Philippe Michonneau, responsable du pôle agronomie, innovation et services de la Scara.
Un thèse, 23 indicateurs
Rapidement, l’un des axes de la thèse s’est porté sur la création d'indicateurs d’évaluation de l’impact environnemental des pratiques. L’objectif est de proposer aux conseillers des chambres, des négoces et des coopératives, voire aux agriculteurs en personne, des outils simples d’utilisation. « À ce stade, j’en ai listé 23, en comptant trois indicateurs plus économiques, récapitule Emma Soulé. Il nous a semblé indispensable de ne pas oublier cet aspect-là, quand on analyse les pratiques agricoles. »
Ces indicateurs couvrent une large palette de pratiques, relativement classiques : apports de fertilisants, travail des sols, produit phytosanitaires, rotation des cultures… La spécificité est la manière dont elles sont abordées. Certaines d’entre elles comptent plusieurs tiroirs. « L’idée est à la fois de rendre les indicateurs abordables, tout en approfondissant les suivis qui peuvent être déjà réalisés », glisse Emma Soulé.
Approfondir les indicateurs « classiques »
Deux exemples. La thésarde s’est penchée sur l’intérêt des couverts sous un prisme original : leur effet sur la réflexion des rayons du soleil. La capacité d’une plante à refléter ces rayons peut être intéressante, par rapport à un sol nu, limitant le réchauffement de l’écosystème en période de soleil. Sur un sujet plus convenu, les pesticides, elle a voulu prendre en compte les profils physico-chimiques des produits, et donc leurs effets sur l’air et les eaux, de surface et souterraines. « Cela permet d’éclairer différemment les bénéfices de la HVE, par exemple, qui se base sur les IFT, donc un aspect quantitatif seulement, illustre Emma Soulé. Les premiers retours faits aux adhérents sont intéressants de ce point de vue là. »
L’un des atouts de la Scara est, de fait, d’offrir des cas concrets à étudier. Un échantillon de 33 fermes, travaillant sous différents cahiers des charges, a été construit. La phase d’analyse approfondie de leurs pratiques est encore à venir. Mais Emma Soulé bénéficie d’ores et déjà d’un accès à une mine de données pour alimenter ses indicateurs. « Les logiciels de traçabilité me permettent de récupérer trois quarts des paramètres dont j’ai besoin, estime-t-elle. Je complète cette banque de donnée avec des enquêtes individuelles, mais peu chronophages, et des éléments recensés par exemple par l’Institut national de l’information géographique et forestière, IGN. »
Un travail accessible à tous
Quels sont les livrables de cette thèse ? Emma Soulé prévoit de rendre des fiches synthétiques pour chaque exploitation, en plus de sa liste d’indicateurs d’impact. Concernant ces derniers, elle rappelle : « Ma thèse relève de la recherche publique. Même si la Scara aura une forme d’antériorité, et pourra évidemment l’exploiter, elle sera accessible à tous. » La possibilité d’une continuation de ce travail au sein de la Scara avec Emma Soulé, y compris après sa thèse, n’est pas exclue. Inrae, de son côté, envisage déjà de lancer une nouvelle thèse pour approfondir certaines thématique. « L’idéal aurait été d’aborder aussi les aspects sociaux liés au changement de pratiques, mais ce n’était pas dans mes compétences », suggère Emma Soulé.