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La CAC 68 structure une filière alsacienne de blé dur

Le | Cooperatives-negoces

Depuis 2018, la Coopérative agricole céréalière (CAC 68) expérimente la culture du blé dur, en partenariat avec Valfleuri, un industriel local spécialisé dans les pâtes d’Alsace IGP. Après une première récolte, en 2021, dégradée par les conditions météorologiques, 45 adhérents ont semé du blé dur pour cette campagne. Référence agro a rencontré les acteurs d’une filière en pleine structuration.

La CAC 68 structure une filière alsacienne de blé dur
La CAC 68 structure une filière alsacienne de blé dur

Située à Ensisheim, à quelques encablures du siège de la Coopérative agricole céréalière (CAC 68), l’exploitation de Jean-Michel Habig, son président, s’étend le long de l’Ill, la principale rivière d’Alsace. Il y cultive, entre autres, du blé dur, sur deux parcelles de 6 et 4,5 hectares.

La variété Karur, adaptée au climat alsacien

Cela fait maintenant quatre ans que la CAC 68 s’est lancée dans l’aventure du blé dur, d’abord en simple expérimentation, puis pour répondre à la demande de Valfleuri, société de production de pâtes d’Alsace IGP (1) située à quelques kilomètres, et qui voulait un approvisionnement local. « La priorité a été d’identifier la meilleure variété pour nos conditions pédoclimatiques, explique Joris Cuny, ingénieur expérimentation grandes cultures pour la coopérative. Le blé dur est plus sensible au froid que le blé tendre, c’est pourquoi il est habituellement cultivé au sud de la Loire. La tolérance au froid nous a amenés à exclure d’emblée les deux tiers des variétés reconnues en semoulerie. Nous avons porté notre choix sur les variété Karur et Toscadou »

La coopérative n’a pas eu besoin de construire de stockage supplémentaire, son silo d’Ensisheim disposant de petites cellules adaptées à l’allotement du blé dur. L’intégralité des équipes ont été formées à cette culture, à ses risques et à ses distinctions avec le blé tendre. Des formations à destination des adhérents ont été délivrées, « mais le Covid nous a empêché d’en faire autant que nous l’aurions souhaité », ajoute Jean-Michel Habig.

Les conditions climatiques de la récolte 2021, catastrophiques pour les blés durs alsaciens

En 2020, après deux ans d’expérimentations, 400 hectares sont semés par les associés-coopérateurs, sur le territoire du Haut-Rhin. « Le blé était magnifique jusqu’à huit jours avant la récolte, se remémore le président de la coopérative. Malheureusement, il a plu 100 mm d’eau dans les derniers jours, et toute la production est partie en fourrager. » En cause, le mitadinage, un processus lié à l’humidité qui altère la vitrosité du blé dur et le rend farineux, inapte à la production de pâtes.

« Pour beaucoup d’associés-coopérateurs, ça a été un coup dur, estime Jean-Michel Habig. D’autant que les coûts de production du blé dur sont supérieurs à ceux du blé tendre. » Le différentiel est d’environ 12 %, en raison du prix de la semence, des besoins en azote supérieurs, et de l’obligation de traitement contre la fusariose. « Nous sommes repartis cette année avec 300 ha, répartis sur 45 exploitations », précise Jean-Michel Habig.

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La CAC 68 structure une filière alsacienne de blé dur - © D.R.
La CAC 68 structure une filière alsacienne de blé dur - © D.R.

Le silo d’Ensisheim, où l’allotement du blé dur est fait dans des petites cellules. © Elena Blum / Terre-Ecos[/caption]

Un engagement de Valfleuri et de la région Grand Est pour la Cac 68

« Pour que la filière continue, nous avons revu nos conditions économiques, ajoute Jérôme Marienne, directeur commercial de Valfleuri. Nous avons mis en place des systèmes de plateaux, indexés sur le blé tendre, pour revaloriser le prix du blé dur, le cas échéant. Le but est qu’il n’y ait pas de frustration en raison d’une éventuelle hausse des prix du blé tendre. » Pour l’agriculteur, la rentabilité reste assurée. La région Grand Est a également mis la main à la poche, et a pris en charge l’achat des semences, à 200 €/ha, pour les agriculteurs qui s’étaient lancés en 2020 et poursuivent leurs efforts pour cette campagne.

Valfeuri s’est engagé auprès de la CAC 68 à prendre l’ensemble des volumes produits sur les 300 ha dédiés. « Notre but est de nous fournir en blé alsacien pour notre marque propre, car elle peut être valorisée auprès du grand public, en attente de ce type de produits », estime Jérôme Marienne. Valfleuri produit 16 000 t de pâtes, avec environ 23 000 t de blé dur, 100 % français. Mais une partie seulement de la production est dédiée à la marque alsacienne, le reste étant fabriqué pour d’autres distributeurs.

Selon le niveau de rendement, entre 5 et 6 t/ha, les 300 ha de la CAC 68 pourraient être tout juste suffisants pour les besoins de Valfleuri en marque propre. « Si nous devons, cette année encore, nous fournir en blé français pour compléter, ce n’est pas grave, estime Lionel Leib, responsable qualité et filière de l’industriel. L’important est que la filière se construise et soit pérenne. »

(1) pour bénéficier de l’IGP Pâtes d’Alsace, les pâtes doivent être produites dans la région, et la recette prévoit 7 œufs frais au kg de semoule de blé dur