Terrena veut contrer les scénarios prédisant la baisse de l’élevage
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Selon les scénarios prospectifs sur l’agriculture, la réduction de l’élevage serait inéluctable. Terrena porte un autre regard sur l’avenir. Ivan Leclerc, vice-président de la coopérative du Grand Ouest, estime qu’il est possible de maintenir les productions animales et que c’est même vital pour les territoires. Il nous dévoile, en exclusivité, la vision stratégique de Terrena et les moyens que le groupe se donne pour contrer ces scénarios.
Tous les scénarios sur l’agriculture vont dans le même sens : l’élevage, notamment de ruminants, devra diminuer. « Nous devons y aller, et sans regret puisque c’est le sens des prospectives », insistait Pierre-Marie Aubert, coordinateur « Initiative agriculture européenne » à l’Institut du développement durable et des relations internationales, Iddri, lors de l’Université Afterres2050 qui s’est déroulé du 2 au 4 février 2021. Ivan Leclerc, vice-président de Terrena, ne partage pas cette vision, comme il l’explique à Référence agro.
Référence agro : que pensez-vous de l’analyse de Solagro et l’Iddri qui estiment qu’il faut se résigner à voir l’élevage diminuer drastiquement dans les prochaines décennies ?
Ivan Leclerc : Le risque est réel. La moitié des élevages devront changer de main d’ici à 2030 suite à des départs à la retraite et il est complexe de trouver des repreneurs dans ces filières touchées par de nombreuses mutations. L’image de l’élevage peut également freiner les jeunes et les démotiver à reprendre les fermes. C’est également un secteur contraignant en termes de travail, où il faut être présent 24 heures sur 24. Mais Terrena ne se résigne pas à aller vers cette issue fatale. L’élevage est indispensable au dynamisme des territoires et à la biodiversité. Sur certaines de nos zones, la totalité de nos adhérents sont éleveurs. Nous travaillons pour éviter ce scénario. Car une fois que les exploitations auront disparu, que le coup sera parti, nous ne pourrons plus revenir en arrière. Il faut se battre pour ne pas en arriver là.
R.A. : N’est-ce pas illusoire ?
I.L. : Cela fait 25 ans que je fais ce métier. Il y a quinze ans, tout le monde prédisait un déclin des élevages porcins. Nous avons réussi à les maintenir. Pour l’activité bovine, le tableau n’est pas aussi noir qu’on nous le présente. Effectivement, la consommation de viande baisse , mais pas autant qu’on le dit. Les ventes de steaks hachés sont en hausse par exemple. Toutefois, nous devons surveiller nos élevages comme le lait sur le feu. À nous de faire attention à ce qu’ils soient repris, modernisés et rentables. Il n’y a pas de raison que nous n’y arrivions pas.
R.A. : Comment allez-vous faire ?
I.L. : Pour contrer ces scénarios, nous mettons tout en œuvre pour faciliter les reprises, en soutenant les jeunes. Nous les suivons techniquement, nous les aidons à élaborer les business plans, nous nous portons cautions auprès des banques, parfois à hauteur de 30 %, nous contractualisons la production pour leur fournir des prix garantis. Tout cela leur permet d’avoir un dossier plus solide auprès des banques. Toujours pour faciliter les transmissions, nous mettons les acheteurs et potentiels acquéreurs en relation : Terrena fonctionne un peu comme une agence immobilière de l’agriculture ! Nous communiquons positivement dans les écoles, notamment sur les conditions de travail qui s’améliorent, pour motiver les jeunes à travailler en agriculture. Nous faisons partie des coopératives qui essaient de répondre le plus possible aux enjeux sociétaux, avec des démarches sur le bien-être animal, le carbone, la préservation de la biodiversité ou encore les énergies renouvelables. Cela redore l’image du métier : c’est indispensable pour attirer les jeunes qui ont besoin de créer de la valeur dans leurs exploitations.
Enfin, nous investissons dans les outils de transformations pour accompagner les productions et donner confiance à ceux qui seront là dans 20 et 30 ans. Par exemple, nous allons créer un nouvel abattoir à Ancenis, axé sur le bien-être animal et sur les filières de la qualité. 43 millions d’euros sont sur la table. Il sera opérationnel en 2022. En lait, nous lançons une filière non OGM et nous accompagnons l’essor du bio. Nous avons également une grosse carte à jouer sur la proximité et les offres différenciées. Notre production nationale ne peut pas se battre à l’export, où nous restons pour l’heure juste opportuniste.
R.A. : Comment se portent actuellement les élevages chez Terrena ?
I.L. : Nous observons une baisse du nombre d’élevages dans le sud de notre territoire. Mais la production ne diminue pas car les élevages s’agrandissent et la productivité augmente, notamment dans la filière porcine qui se stabilise depuis cinq ans. En volailles, le recul a été significatif sur les vingt dernières années, mais l’activité rebondit. En lait, nous sommes passés en dix ans d’une taille moyenne de 500 000 litres de lait par exploitation à 800 000 litres en moyenne, soit une hausse de 50 %. Les producteurs sont compétitifs ! L’inquiétude est plus forte pour les exploitations en bovins viandes qui souffrent des importations. Nous essayons de trouver de nouveaux débouchés, comme la viande hachée où la France a dû, ces derniers mois, importer pour répondre aux besoins nationaux, ou les filières de qualité avec des races plus nobles.