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Le biocontrôle en première ligne contre la jaunisse de la betterave

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Suite au retrait, en 2023, de deux néonicotinoïdes utilisés comme insecticides, la filière de la betterave est en quête de nouvelles solutions dans sa lutte contre les ravageurs. Elle se tourne désormais vers le biocontrôle.

Suite au retrait de deux néonicotinoïdes utilisés comme insecticides, la filière de la betterave se  - © D.R.
Suite au retrait de deux néonicotinoïdes utilisés comme insecticides, la filière de la betterave se - © D.R.

En janvier 2023, les cultivateurs de betterave perdaient définitivement ce qui était jusqu’alors ses deux armes principales contre le virus de la jaunisse : l’imidaclopride et le thiaméthoxame, deux insecticides néonicotinoïdes. Depuis, les acteurs de la filière s’activent à la recherche d’alternatives dans leur lutte contre les pucerons, notamment dans le cadre du PNRI (plan national de recherche et d’innovation) débuté en 2021 et renouvelé, en octobre 2023, pour trois années supplémentaires. « C’est une très bonne nouvelle, la betterave en avait besoin, se félicite à ce sujet Nicolas Rialland, directeur général de la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB). Elle avait sans doute été mise de côté par le passé dans les travaux de recherche sur ce genre de problématique ».

« Travailler différents leviers »

Désormais, la betterave goûte elle aussi à l’innovation, à l’instar du granulé à odeur répulsive présenté par Agriodor, le 27 mars 2024, lors du Salon de l’agriculture. À cette occasion, Camille Delpoux, cofondatrice de l’entreprise, a chiffré à 65 % la réduction maximale de la présence des ravageurs sur les parcelles de betterave suite à l’utilisation de ce biocontrôle en attente, pour l’heure, d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dérogatoire. « Cette diminution nous permet de décaler les seuils de traitement, de gagner en IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) ou alors, dans les situations de forte pression, de complémenter, puisque aujourd’hui les leviers chimiques et les moyens de production ne permettent pas, dans toutes les situations, de contenir le risque de la jaunisse », indique-t-elle. Car la dirigeante le reconnaît, le recours au seul biocontrôle ne saurait suffire : « Nous sommes dans une approche combinatoire, l’objectif est de travailler différents leviers pour sécuriser la problématique pucerons ». 

Les réservoirs viraux au cœur des préoccupations

« Il faut sortir de l’idée qu’il n’y a qu’une solution », abonde Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture chez Inrae, soulignant que le rôle du biocontrôle diffère fondamentalement des produits phytosanitaires en ne cherchant non pas à décimer une population de ravageurs, mais « à l’emmener en dessous du seuil de nuisibilité ». Au-delà du biocontrôle, la problématique du réservoir viral s’avère essentielle pour le scientifique : « Ce point est absolument central, 90 % des solutions s’y trouvent, estime-t-il. Derrière, c’est potentiellement tous les insectes que nous pourrions combattre ». Dans le cas de la betterave, plusieurs réservoirs viraux sont identifiés par Christian Huyghe : « Le principal, c’est la betterave elle-même et ses retours de l’année précédente. Le second, c’est le cordon de déterrage. Il y a en un troisième, sur lequel nous travaillons énormément aujourd’hui sur la zone du sud-ouest du bassin parisien, où il y a des betteraves porte-graines semées au mois d’août et récoltées en juin, parfois situées à moins d’un mètre de betteraves sucrières. Les pucerons se déplacent d’une parcelle à une autre en inoculant les virus. Cette année, nous avons des raisons d’être relativement inquiets puisque la charge virale de ces cultures porte-graines s’avère élevée ».