Bien appréhender le dossier de l’acceptabilité sociétale, un enjeu majeur pour l’agrivoltaïsme
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Alors que le cadre politique, pour le secteur de l’agrivoltaïsme, est en train de se structurer, cette jeune filière doit s’atteler à un autre chapitre conditionnant son déploiement : celui de l’opinion publique. Le 23 novembre, un débat organisé par France agrivoltaïsme était l’occasion d’en discuter.
Si l’ensemble des parties prenantes de l’agrivoltaïsme ont les yeux rivés sur la sphère politique, qui pose actuellement un cadre pour le secteur, un autre virage se présente : celui de l’acceptabilité sociétale. Cet enjeu a été débattu lors d’une table ronde organisée par l'association France agrivoltaïsme, le 23 novembre à Paris. Michel Boucly a joué les conseillers, fort de son expérience d’ancien directeur général du groupe Avril. « La liste des innovations qui n’ont pas livré leur plein potentiel en agriculture, à cause d’un rejet de l’opinion publique, est longue, rappelle-t-il. Les OGM, à l’arrêt aujourd’hui en Europe, ou les biocarburants, dont le déploiement est fortement ralenti, en sont deux exemples. »
OGM et biocarburants, des précédents à méditer
Il décrypte l’origine de ces échecs pour formuler des recommandations à la toute jeune filière agrivoltaïque. « Pour les OGM, le nom de Monsanto a largement contribué à contrebalancer la promesse d’une réduction d’usage des pesticides, explique-t-il. Attention à bien identifier qui va incarner votre secteur aux yeux du grand public. » L’idée de ne pas laisser la communication aux gros opérateurs de l’énergie pour plutôt mettre les agriculteurs en avant, a été suggérée à plusieurs reprises lors du débat. Dans le cas des biocarburants, la filière n’a, selon Michel Boucly, pas accordé assez d’importance aux critiques liées à la concurrence alimentaire. « Pour nous, ingénieurs et scientifiques, ce reproche était creux, car le biodiesel est un coproduit des tourteaux alimentant les animaux. Mais la logique ne fait pas tout. Aussi infondées soient-elles, nous nous sommes laissés débordés par l’intensité des critiques “'fuel or food'”. » Ses conseils, pour prémunir l’agrivoltaïsme de ce type de déboire ? « Être paranoïaque ! Et surveiller les réseaux sociaux autant que les colloques professionnels, si ce n’est plus. »
Prôner l’agrivoltaïsme territorial
Face à ces avertissements, le monde agricole est déjà dans la réflexion. Pour Sébastien Windsor, le président de Chambres d’agriculture France, le secret est dans l’implication des acteurs de territoire. « Il faut soutenir et mettre en avant les projets alimentant le gymnase, le collège ou la bibliothèque de la commune voisine », estime-t-il. Un moyen, au moins, de limiter la méfiance au niveau local. Un autre argument est déjà brandi par le monde agricole : celui de la réversibilité totale de l’agrivoltaïsme, pour éviter que celui-ci ne soit perçu comme une forme d’artificialisation définitive des parcelles. Arnaud Gaillot, président des JA, veut retenir les leçons du passé. « Après guerre, il a été demandé à l’agriculture de produire beaucoup, aujourd’hui l’opinion juge que nous avons utilisé trop de pesticides, regrette-t-il. Gare à ce que l’on ne nous reproche pas demain d’avoir mis des panneaux photovoltaïques partout dans les campagnes ! »