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Agrivoltaïsme, les enjeux d’un dossier devenu politique en moins d’un an

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Pratiquement absent des débats politiques il y a encore quelques mois, l’agrivoltaïsme est aujourd’hui un sujet débattu dans les deux hémicycles. Alors que le Gouvernement tarde à lui donner une place précise dans sa politique énergétique, le secteur agricole s’impatiente. Sa crainte : voir la production d’énergie passer devant la vocation nourricière de l’agriculture.

Agrivoltaïsme, les enjeux d’un dossier devenu politique en moins d’un an
Agrivoltaïsme, les enjeux d’un dossier devenu politique en moins d’un an

En décembre 2021, les sénateurs adoptaient une résolution sur l’agrivoltaïsme. Un premier pas en politique pour ce secteur qui n’avait alors quasiment jamais été évoqué dans les hémicycles. Moins d’un an plus tard, il est au cœur de deux textes : le projet de loi dite d’accélération des énergies renouvelables (parfois abrégée « loi ENR »), bientôt étudié par l’Assemblée nationale, et la proposition de loi en faveur d’un développement raisonné de l’agrivoltaïsme, récemment rédigée puis adoptée par le Sénat. La tendance serait à l’intégration du second texte dans le premier. La commission développement durable du Sénat s’est positionnée dans ce sens, le 26 octobre. Le 20 octobre, Marc Fesneau avait de son côté indiqué que la proposition de loi des sénateurs « préparait utilement » les discussions à venir sur la loi ENR.

Divergences de vue au sein du Gouvernement

Selon les informations glanées par Référence agro, pourtant, la place de l’agrivoltaïsme est loin d’être toute trouvée dans le projet de loi porté par Gouvernement. Des tensions existeraient entre les différents ministères. D’un côté, Bercy souhaiterait mettre l’accent, dans la loi, sur des énergies renouvelables porteuses de « gros chiffres », en termes de production. Les grands opérateurs de l’énergie seraient sur la même ligne. Or, l’agrivoltaïsme, pratique émergeante voire encore exploratoire, n’a pas ce profil. Les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique partageraient, toutefois, une position commune en faveur d’une intégration dans la loi ENR.

Le secteur prudent face à des signaux flous

La sortie d’Emmanuel Macron, lors des Terres de Jim, n’a pas réellement éclairé le sujet. Le Président a bien affirmé son intérêt pour l’agrivoltaïsme, mais sans engagement concret. L'absence de mention de cette énergie dans la première version de la loi ENR, en soi, montre bien que l’emballement du Gouvernement reste modéré. Face à ces signaux incertains, la prudence est de mise. « Nous ne sommes sûrs de rien, résume un acteur du secteur. Ni de l’intégration du texte des sénateurs dans la loi ENR, ni même de son adoption en l’état par les députés. » Les acteurs de l’agriculture attendent donc de savoir s’il y aura une ou deux lois, et ce qu’elle(s) contiendra(ont).

Donner un cadre clair à l’agrivoltaïsme

L’attente est grande pour plusieurs raisons. En l’absence de cap national, les projets sont actuellement soumis au bon vouloir des autorités locales. « Certaines sont farouchement contre et n’ouvrent même pas les dossiers qui leurs sont soumis, d’autres sont très favorables et donnent un feu vert sans les regarder d’assez près », témoigne un observateur du secteur. De plus, sans définition gravée dans la loi, l’agrivoltaïsme ne peut prétendre à réellement bénéficier de financements qui lui soient propres. Enfin, la loi pourrait valider un critère incontournable : garder la vocation nourricière prioritaire par rapport à la production d’énergie.

« En mai dernier, la Commission de régulation de l’énergie, CRE, a lancé un appel à projets pour la production d’énergie solaire en agriculture, resitue Virginie Charrier, en charge du dossier énergie à La Coopération Agricole. Il s’agissait, pour les terres d’élevage et les jachères de plus de cinq ans, de placer des panneaux photovoltaïques au sol. » Un cahier des charges qui prenait insuffisamment en compte la vocation alimentaire des terres agricoles, au grand dam du secteur, qui attend donc du législateur qu’il sanctuarise cette dernière.

Énergie verte et ligne rouge

L’enjeu est particulièrement sensible. En mai, le Conseil de l’agriculture française adoptait une doctrine sur l’agrivoltaïsme, listant ses conditions pour son déploiement, à commencer par une précision de sa définition. Le 22 septembre, alors que la sphère politique s’emparait du dossier, les JA exprimaient leur inquiétude quant au respect de ces conditions, et freinait donc des quatre fers, demandant un moratoire « sur toute volonté réglementaire de développer l’agrivoltaïsme », estimant « inconscient de sacrifier l’agriculture pour un développement incontrôlé et irréversible des énergies renouvelables ». Les décisions à venir des parlementaires réussiront-elles à rassurer le secteur ? Réponses dans les jours et semaines à venir.