Charte de riverains, la polémique perdure durant le confinement
Le | Politique
L’association Eaux et Rivières de Bretagne dénonce une validation des chartes de riverains qui accorde une diminution des distances non traitées par rapport aux habitations. Quelles sont concrètement les conditions légales d’un possible assouplissement ? Que doivent signer les préfets ? Où en sont les projets pendant la période de confinement ? Explications.
Malgré l’impossibilité de maintenir physiquement les concertations sur les chartes de riverains pendant la période de confinement, les échanges entre les parties prenantes se poursuivent. Depuis la publication de l’arrêté du 27 décembre qui définit, par culture et matériel, les zones de non traitement à proximité des habitations, les acteurs qui co-construisent les chartes de riverains doivent cadrer le contenu avec les exigences réglementaires. Ce sont les chambres d’agriculture qui pilotent ces projets.
Dans un communiqué en date du 7 avril, l’association Eaux et Rivières de Bretagne indique que « le premier avril, 25 départements, dont tous les départements bretons, ont accepté les chartes élaborées par la FNSEA qui réduisent ces distances à 5 m pour les cultures hautes et 3 m pour les cultures basses. » L’association précise que « les préfets de tous les départements bretons valident une charte qui divise par deux les distances de précaution pour pulvériser des pesticides ». Que signifie cette validation différente du contenu de l’arrêté du 27 décembre ?
Possible réduction des distances de sécurité jusqu’au 30 juin
D’un point de vue réglementaire, les distances de ZNT actées dans l’arrêté du 27 décembre 2019 sont en effet applicables depuis le 1er janvier 2020, sauf pour les cultures annuelles déjà en place au 1er janvier. Lesquelles bénéficient d’un report de six mois. Néanmoins, une instruction technique parue au BO du 13 février, accorde aussi un assouplissement. Elle reprend une lettre envoyée aux préfets qui précise les conditions dans lesquelles les réductions de distances sont possibles : « Dans l’attente de l’approbation des chartes et jusqu’au 30 juin 2020 pour les utilisateurs engagés dans un projet de charte soumis à concertation publique ». Évitant le risque de vide juridique, pour lequel la FNSEA avait alerté le ministre de l’Agriculture en début d’année mais en signifiant une date butoir.
De plus, suite à la pandémie Covid19, le ministère de l’Agriculture précise sur son site internet que les réductions peuvent être appliquées selon les modalités prévues par l’arrêté du 27 décembre 2019 par tous les utilisateurs réunis dans un projet de charte « pour lequel les organisateurs s’engagent à mener la concertation dès que le contexte Covid-19 le permettra ».
Des projets de chartes contestés
Des chartes de riverains sont dans ces deux cas de figure. Jean Hascoet, administrateur de l’association Eaux et rivières de Bretagne, estime toutefois que cette validation par les préfets reflète une incohérence. « Il existe trois situations : des chartes validées et signées avant l’arrêté, des chartes qui restent en suspens et des chartes comme c’est le cas dans le Finistère pour lesquelles on accorde un assouplissement en attente de la fin de la concertation. Nous contestons ces décisions, l’État ne prend pas ses responsabilités, nos demandes ne sont pas entendues. Nous ne sommes qu’une voix dans les débats, les citoyens devraient être les organisateurs. » Il rappelle que son association a déposé un recours devant le Conseil d’État avec huit autres contre l’arrêté du 27 décembre, le jugeant très insuffisant pour assurer la protection des riverains des expositions aux pulvérisations de pesticides.
Le cadre réglementaire de la concertation suivi à la lettre
Les organisateurs des concertations, ce sont les Chambres d’agriculture. Dominique Loubère, cheffe de service régional environnement à la Chambre d’agriculture de Bretagne écarte toute polémique : « Sur les ZNT, le cadre réglementaire est posé, nous n’avons plus à juger ». Quant au processus de concertation, il se déroule dans un cadre précis. « Les préfets n’ont pas encore signé de charte, juste accusé réception des projets. Ils ne les signeront définitivement que s’ils estiment que ces chartes ont été construites dans le respect de chaque étape, y compris sur la qualité de la concertation publique engagée, précise-t-elle. Bien trop d’enjeux existent. Nous avons eu une réunion à distance le 30 mars avec les parties prenantes et les services de l’État. Nous avons mis cartes sur table, pour savoir si nos projets étaient recevables et quels sont les points qui restent à arbitrer. Des réponses claires de l’État sur le statut des représentants des riverains que nous pouvons solliciter ont été demandées. Concrètement, savoir qui peut être dans le tour de table. Quant aux points d’amélioration dans les chartes, ils portent sur la communication à destination des riverains. Le site internet est prêt, mais d’autres voies d’information sont à proposer. »
Arrêté du 27 décembre 2019, des ZNT de 5 m, 10 m, 20 m qui peuvent être réduites sous conditions
Pour la majorité des produits, la distance minimale à respecter lors du traitement en milieu non fermé des parties aériennes des plantes est de :
- 10 mètres pour l’arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm de hauteur, les bananiers et le houblon ;
- 5 mètres pour les autres utilisations agricoles et non agricoles.
Pour ces deux distances, les produits de biocontrôle, les spécialités composées uniquement de substances de base ou à faible risque ne sont pas concernés. Ces distances ne sont par ailleurs applicables qu’à compter du 1er juillet 2020 pour les parcelles déjà emblavées au 29 décembre 2019.
Cette distance est de 20 m minimum pour les traitements des parties aériennes des cultures avec des produits présentant certaines mentions de danger.
Les distances de sécurité au voisinage des zones d’habitation peuvent être adaptées lorsque sont mis en œuvre, « conformément à des chartes d’engagements approuvées par le préfet », des moyens permettant de réduire la dérive et des mesures apportant des garanties en matière d’exposition des résidents.