Référence agro

Congrès mondial de la nature, une petite place pour l’agriculture et ses représentants

Le | Politique

C’était le grand rendez-vous « biodiversité » de cette rentrée. Le Congrès mondial pour la nature de l’UICN s’est tenu du 3 au 11 septembre à Marseille. La place de l’agriculture française, dans une palette de thématiques très vaste, y est restée modeste. Différentes parties prenantes des habituels débats agricoles ont toutefois profité de l’événement pour rappeler leurs positions.

Crédit IUCN Ecodeo Margarita Corporan - © D.R.
Crédit IUCN Ecodeo Margarita Corporan - © D.R.

Quelle était la place de l’agriculture au Congrès mondial de la nature de l’UICN, organisé du 3 au 11 septembre à Marseille ? Temps fort de l’enjeu biodiversité, cet événement dépasse largement le cadre du secteur agricole. « Il était énormément question de biodiversité remarquable, note une professionnelle de l’agroalimentaire. Mais de la biodiversité ordinaire, très peu, encore moins celle de nos campagnes. L’agriculture évoquée était surtout celle de l’hémisphère Sud. » Pauline Lavoisy, chargée de programme biodiversité agricole pour l’ONG Noé, abonde. De retour de Marseille, elle note toutefois : « Si les problématiques et les leviers identifiés ne sont pas les mêmes dans le Sud, certaines limites sont communes : des solutions existent, mais elles demandent une manne financière que les systèmes alimentaires actuels ne proposent que trop peu. »

De la visibilité pour les solutions fondées sur la nature

Philippe Pointereau, délégué au développement de Solagro, veut croire que l’agriculture se fraye un chemin dans ce type d’événement. « Ce Congrès me semble confirmer au moins deux de nos partis-pris, analyse-t-il. Économiquement, il faut travailler sur les cahiers des charges des filières pour favoriser la biodiversité agricole ; et techniquement, s’appuyer davantage sur les solutions fondées sur la nature. » Il se réjouit, par ailleurs, de voir la communauté scientifique de plus en plus mobilisée sur ce type de sujet. « Les solutions fondées sur la nature en agriculture, c’était l’un des axes abordés sur nos stands, rebondit Maxime Paquin, chargé de mission biodiversité chez France Nature Environnement. C’est une ouverture importante pour limiter les intrants de synthèses. »

Les ONG tranchantes sur la question des pesticides

Plus que l’émergence d’alternatives, toutefois, les ONG semblaient attendre des signaux politiques fort contre les pesticides. La prise de parole d’Emmanuel Macron, évoquant « une initiative forte de sortie accélérée des pesticides » qu’il portera au niveau européen, ne convainc pas FNE. L’ONG craint que la concomitance entre la campagne électorale présidentielle française avec les négociations sur la nouvelle Pac n’affaiblisse les résolutions du président de la République en 2022. Plus offensifs, Pollinis et Notre affaire à tous ont profité de la résonance médiatique du Congrès pour annoncer une action en justice contre l’État français « pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité » et pointant notamment des « défaillances notoires » dans le processus d’autorisation et de mise sur le marché des pesticides.

L’agriculture française veut se faire entendre

Invité à intervenir lors d’un débat sur l’agriculture régénératrice, Laurent Martel, directeur de Bioline, a également sillonné les stands. S’il déplore la rareté de la thématique agricole lors du Congrès, il note surtout « que les quelques fois où il est question d’agriculture, ses acteurs sont très peu représentés ! Les approches des politiques et des ONG sont intéressantes, mais les premiers intéressés doivent avoir la parole. » Il s’est efforcé de porter cette parole, insistant en particulier sur « le besoin de temps, pour le secteur », afin d’avancer de front sur trois enjeux : la biodiversité, mais aussi le climat et la santé des sols. Une position partagée par l’AGPB, présente pour la première fois au Congrès mondial de la nature. L’objectif était de présenter son action pour la préservation de la biodiversité, et rappeler les contraintes du secteur afin de « ne pas laisser cet enjeu aux ONG environnementales ».

Dans les débats agricoles liés à la biodiversité, ce Congrès aura été l’occasion de donner un peu plus de visibilité à des positions bien connues, plutôt que des messages véritablement nouveaux. Au moins l’agriculture semble-t-elle s’inviter, un peu plus, dans les sphères de réflexion habituellement plus axées biodiversité « pure et dure ».