« Une pause du Green deal pendant un an peut s’étudier », Thierry Pouch, APCA
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À mesure que la guerre en Ukraine s’enlise, les alertes sur les risques d’une crise alimentaire se multiplient. Elles interrogent sur la poursuite du virage pris en matière de transition agroécologique, notamment dans l’Union européenne, avec le Green Deal, et en France. Trois questions à Thierry Pouch, chef économiste aux chambres d’agriculture.
Référence agro : Que pensez-vous des débats actuels sur la poursuite ou l’aménagement de la mise en œuvre du Green Deal ?
Thierry Pouch : La guerre Russie-Ukraine a entraîné une guerre plus symbolique entre les partisans d’une suspension des mesures environnementales pour produire plus et ceux qui souhaitent poursuivre dans la voie du Green Deal. Pourtant, nous avons une obligation morale à aider les pays qui vont commencer à avoir le ventre creux. Je suggère de mettre à l’étude une mise entre parenthèses, pendant un an, du Green Deal. Certes, les stocks de céréales sont encore élevés : le rapport stock / consommation est de 36 % contre 20 % pendant la crise de 2008. Mais, même si la guerre en Ukraine se termine, il sera difficile de remettre toutes les surfaces en culture et le problème de la production alimentaire reste entier pour 2023.
R.A. : Quelle est la posture des pays en dehors de l’Union européenne ?
T.P. : Les Etats-Unis ne veulent pas faire l’impasse de la production de maïs à des fins énergétiques, et le Brésil, autre grand pays producteur mais dont les sols nécessitent beaucoup d’engrais et de fertilisants, est menacé par la baisse des quantités d’engrais dans le monde. L’Union européenne a donc un rôle à jouer dans la hausse de sa production agricole pour contribuer aux grands équilibres vitaux de la planète.
R.A. : Que pensez-vous de la mesure prise en France autorisant la culture des jachères ?
T.P. : Les jachères en France représentent 446 000 hectares, soit 1,6 % de la surface agricole utile. Mais il y a souvent des contraintes sur ces surfaces qui entravent la production : zones humides, pentes, problème de circulation de machines. C’est le cas par exemple des 112 400 ha de jachères en Nouvelle-Aquitaine. Celles sur des zones comme les Hauts-de-France ou le Centre-Val de Loire sont plus intéressantes, mais sur cette dernière région, elles ne représentent que 87 000 ha. De plus, les céréaliers sont confrontés à un problème de disponibilités en engrais et en produits phytosanitaires. Cette mesure pourrait apporter une réponse partielle à un besoin supplémentaire de production.