Glyphosate, l’Anses précise la sortie envisagée
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Quels usages de glyphosate seront interdits ou restreints ? Quelles seront les dates limites de vente et d’utilisation ? Auditionné le 23 juillet 2020 par la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie de la molécule de l’Assemblée nationale, Roger Genet, directeur général de l’Anses, a apporté de premières réponses.
Les pistes de restrictions des usages du glyphosate et des échéances sont enfin connues. Les producteurs verront des doses limitées pour certains usages dès avril 2021 et d’autres usages interdits dès octobre ou novembre 2021. Telle est l’annonce du directeur général de l’Anses, Roger Genet, lors de son audition le 23 juillet 2020 par la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate de l’Assemblée nationale.
Retraits d’usages et limitations de dose
Deux situations de retrait ou de modification d’usages des produits à base de glyphosate sont en effet envisagées par l’Anses. La première consistera à retirer totalement un usage, mais ce retrait disposera d’un délai de grâce de six mois pour la vente et de six mois supplémentaires pour l’utilisation. L’utilisation de ces usages sera donc possible jusqu’en octobre ou novembre 2021.
La deuxième concernera la limitation des quantités maximales utilisées pour certains usages. Ces restrictions ne bénéficieront pas de délai de grâce mais elles ne pourront s’appliquer qu’en avril 2021, soit six mois après la publication de la décision de l’Anses, temps réglementaire donné pour le renouvellement des étiquettes.
« Les situations d’impasses techniques nécessiteront de conserver les usages tels qu’ils sont prévus aujourd’hui », a informé Roger Genet. Le directeur général de l’Anses a souligné qu’il restait en France 25 autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits à base de glyphosate et sept nouvelles demandes, contre 201 AMM fin 2018. Ces 25 AMM comprennent 21 dossiers d’AMM en cours d’évaluation, un produit de revente et trois demandes de permis de commerce parallèle. Dix des 21 AMM sont en cours d’évaluation par l’Anses et la publication des décisions est prévue début octobre. « Des incertitudes demeurent pour les 11 autres AMM puisque ces dossiers sont évalués par l’Italie et l’Espagne et nous n’avons pas encore leur calendrier de remise des rapports », a souligné Roger Genet.
Les AMM modifiées courront jusqu’en décembre 2022, date à laquelle l’UE est tenue de prendre une décision quant au renouvellement de l’approbation de la molécule.
Respecter la réglementation européenne
Pour décider des retraits ou des limitations de doses, l’Anses active l’article 50-2 du règlement (CE) n° 1107/2009 sur la mise en marché des produits phytosanitaires, qui permet de modifier des AMM après une analyse des alternatives non chimiques. « Quatre critères doivent être respectés, a précisé Roger Genet. Nous devons démontrer qu’il existe d’autres solutions qui sont sensiblement plus sûres pour la santé humaine ou animale, que cette substitution ne présente pas d’inconvénients majeurs sur le plan économique et pratique, que la diversité chimique des substances actives qui reste à disposition permet de réduire autant que possible l’apparition de résistances. Et enfin que les usages mineurs sont néanmoins pris en compte. »
Ce travail, qui est en cours de finalisation par l’Anses, s’appuie entre autres sur les trois rapports de l’Inrae relatifs à l’évaluation économique des alternatives au glyphosate, dont le dernier sur les grandes cultures est paru le 9 juin 2020.
Vers une réduction de 80 % des doses autorisées en viticulture…
Pour la viticulture, les impasses techniques clairement identifiées sont les situations non mécanisables, les terrains caillouteux, en forte pente et, comme pour tous les usages, la destruction des adventices vivaces. L’Anses envisage donc une interdiction d’utilisation entre les rangs et une forte limitation des quantités, d’environ 80 % de la dose maximale. « Pour donner la possibilité aux viticulteurs d’utiliser de petites quantités sous le rang », a souligné Roger Genet, avant de préciser que ces décisions devraient permettre la montée en puissance des traitements mécaniques sous le rang. L’Anses s’est en effet attachée, avec l’Inrae et Axema, le syndicat français des industriels de l’agroéquipement, à analyser les conditions de mise en œuvre des alternatives aux traitements chimiques. Or l’Agence a pu constater que les unités de production d’agroéquipement ne sont pas encore prêtes à fournir le matériel adéquat. Dans une étude publiée le 15 juin, Axema estime à cinq ans le temps nécessaire pour apporter des alternatives en viticulture et arboriculture.
… et de 60 % en arboriculture
Pour l’arboriculture, les impasses techniques concernent les situations également non mécanisables, en raison de systèmes d’arrosage au sol, aux récoltes mécaniques des fruits au sol, et la problématique des adventices vivaces. L’Anses envisage également une interdiction d’utilisation de la molécule entre les rangs et une limitation des quantités maximales, de l’ordre de 60 % de la dose à l’hectare, qui permettrait de se concentrer sur les zones qui ne sont pas accessibles.
Interdiction sur grandes cultures labourées
Enfin, en grandes cultures, l’Agence va vers une interdiction du glyphosate pour les situations en labour et vers une limitation des quantités maximales autorisées à l’hectare, avec des situations d’impasse assez limitées : luttes obligatoires et destruction des adventices vivaces. « Nous ne pouvons pas cibler spécifiquement l’agriculture de conservation parce qu’elle n’a pas de définition qui permet une dérogation dans une AMM, a souligné Roger Genet. Mais une limitation des doses à l’hectare doit permettre de répondre au maintien des usages. »