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L’Ademe analyse l’impact des scénarios de neutralité carbone sur les sols

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L’Ademe a présenté une déclinaison de son étude Transition(s) 2050, le 22 mars, avec une analyse de l’impact des scénarios sur le changement d’affectation des sols, la dégradation des puits de carbone et l’artificialisation des surfaces.

L’Ademe analyse l’impact des scénarios de neutralité carbone sur les sols
L’Ademe analyse l’impact des scénarios de neutralité carbone sur les sols

L’Ademe poursuit l’analyse de son étude « Transition(s) 2050 », dans laquelle elle dresse quatre scénarios : génération frugale (S1), coopérations territoriales (S2), technologies vertes (S3) et pari réparateur (S4), par ordre de sobriété et d’implication technologique croissantes. Le 22 mars, elle a présenté, en visioconférence, trois nouveaux épisodes, dont une analyse de l’impact de ces scénarios sur les sols. L’enjeu est majeur : le territoire national perd onze hectares toutes les heures. « L’artificialisation a augmenté de 70 % en quinze ans, indique Jean-Louis Bergey, responsable du projet prospective Transition(s) 2050. L’artificialisation des sols français est 15 % supérieure à celle de l’Allemagne et 57 % à celle de l’Espagne. » À cela s’ajoute des problématiques de pollution et d’érosion des sols, qui restreignent le potentiel de production alimentaire.

Mobiliser moins de surfaces à l’étranger

Sans surprise, les scénarios 3 et 4 mobilisent davantage de sols étrangers, avec des conséquences sur les changements d’affectation des sols et la dégradation des puits de carbone dans le monde. Actuellement, les importations françaises de denrées agricoles et alimentaires concernent 12 Mha à l’étranger, soit 25 % de la superficie de la France, principalement liées à l’importation de viande avec 4,8 Mha. En se projetant à 2050, le scénario tendanciel totalise 20,6 Mha de surfaces importées, contre 3,6 Mha pour le S1, 3,7 Mha pour le S2, 6,8 Mha pour le S3 et 9,7 Mha en S4. L’Ademe pointe le risque d’érosion, d’inondations et de pollutions des sols dans les S3 et S4. « Les leviers agroécologiques et les bénéfices associés en termes de qualité des sols sont plus présents en S1 et S2 », ajoute Jean-Louis Bergey.

Bâtiments et transports restent les deux facteurs d’artificialisation

Quid de l’artificialisation des sols, qui est actuellement due pour moitié aux bâtiments et à 30 % au transport ? Le développement des énergies renouvelables, généralisé dans les scénarios, ne représente qu’environ 10 % des surfaces additionnelles artificialisées. Lesquelles sont donc majoritairement dues aux secteurs du bâtiment, pour environ 50 %, et des transports, pour environ 40 %, avec toutefois des impacts différents selon les scénarios.  Ces secteurs sont peu contributeurs dans les S1 et S2, car les constructions de logements sont peu nombreuses et le secteur du transport consiste essentiellement au développement de pistes cyclables. En S3 et S4, les bâtiments sont une source importante d’artificialisation, avec 359 000 nouveaux logements par an en S3 et 280 000 en S4. Ces scénarios impliquent des constructions de dessertes et de départementales pour relier les zones d’activité, mais très peu de réseau autoroutier. Le S4 induit en 2050 près de 600 000 ha de surfaces artificialisées en plus par rapport à S1. « Seuls les scénarios 1 et 2 permettent de réduire de moitié l’artificialisation entre 2022 et 2031 par rapport à la décennie précédente », explique le responsable de projet.

S’adapter à la raréfaction de l’eau

L’Ademe a également présenté le feuilleton « adaptation au changement climatique », qui met en lumière l’enjeu central de la raréfaction de l’eau. « Les épisodes climatiques de 1976 et 2030 ont montré que les fortes chaleurs avaient provoqué des baisses de 20 % des rendements », poursuit-il. Les scénarios S1 et S2 améliorent l’ensemble des facteurs de résilience climatique. La gestion systémique des sols et des cultures permet de maîtriser les consommations d’eau et de diminuer la dépendance à cette ressource. Les scénarios S3 et S4 développent des capacités techniques et financières d’adaptation mais accentuent les tensions sur l’eau. Ils supposent un développement de nouvelles ressources, notamment non-conventionnelles, dont les effets ne sont pas encore caractérisés. « Dans la limite des connaissances actuelles, la cohérence de S3 et surtout de S4 ne semble pas robuste en climat changeant », indique l’Ademe. Par ailleurs, la biomasse utilisée pour les biocarburants peut aussi être affectée par la raréfaction de la ressource en eau.

« Nous ne connaîtrons jamais tous les paramètres »

L’Ademe insiste sur l’importance d’agir vite. D’ici à 2030, près de 5 Mha seront libérés par des générations d’agriculteurs proches de la retraite : les réflexions quant aux usages durables de ces terres devraient être menées dès à présent, estime l’Agence. « Nous ne connaîtrons jamais tous les paramètres, mais nous en savons assez pour massifier les actions d’adaptation,  », insiste Jean-Louis Bergey. D’autant que l’analyse macroéconomique a montré que tous les scénarios, hormis le S1, entraînait un PIB supérieur au scénario tendanciel. « Le choix d’une stratégie relève donc davantage d’un engagement politique plutôt que de considérations macroéconomiques », indique Patrick Jolivet, directeur des études socioéconomiques à l’Ademe.

En avril, l’Agence va ouvrir ses données à tous les acteurs. Elle peaufine d’autres analyses notamment sur les territoires, la qualité de l’air, ou le numérique.