Mutagénèse, pas de différences biochimiques entre les techniques pour le HCB
Le | Politique
In vitro ou in vivo, sur des cellules seules ou des entités pluricellulaires : les techniques de mutagénèse présentent-elles des différences ? C’est à cette question qu’a répondu le Haut conseil des biotechnologies, après avoir été sollicité par le Gouvernement sur un projet de qui vise à modifier l’application de la directive OGM en droit français.
Le 2 juillet 2020, les Ministres de la Transition écologique et solidaire, de l’Agriculture et de l’Alimentation, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ont transmis pour avis au Haut conseil des biotechnologies (HCB), le projet de décret qui vise à modifier l’application de la directive OGM en droit français (voir chronologie ci-dessous). Ce texte suit les orientations prises par le Conseil d’Etat début 2020. Concernant la mutagénèse, il exclut du champ des OGM seulement les techniques de mutagénèse aléatoire, à l’exception celle réalisée in vitro. Il définit cette dernière comme celle « consistant à soumettre des cellules végétales cultivées in vitro à des agents mutagènes chimiques ou physiques ». Par conséquent, les techniques de mutagénèse dirigée, comme Crispr-Cas9, entrent aussi dans le cadre de la directive sur les OGM. Pour être exemptées, les techniques doivent aussi avoir « fait l’objet d’une utilisation traditionnelle sans inconvénient avéré pour la santé publique ou l’environnement ».
Absence de différences biochimiques des techniques
Le HCB a émis deux avis sur ce texte : un de son Comité scientifique (CS), et un second de son Comité économique, éthique et social (CEES). Le CS avait pour mission de répondre à la question : « Sur un plan biologique, en quoi la mutagenèse aléatoire in vitro telle que définie par le décret se distingue-t-elle des autres techniques de sélection végétale ? ». Après avoir étudié la bibliographie et consulté des experts, le Comité scientifique du HCB n’identifie « pas de différences biochimiques entre les mutations, qu’elles soient obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro, in vivo, ou spontanément, sur cellules isolées ou entités pluricellulaires ». Il estime qu’il n’y pas non plus de différences entre les phénotypes induits par ces techniques. Seule la fréquence à laquelle un gène peut être muté et la facilité de sélection varient.
Des ambiguïtés à lever sur la liste des techniques sur le plan juridique
De son côté, le CEES a tenté de répondre à la question suivante : « sur le plan juridique, le projet de décret permet-il l’application de la décision du Conseil d’État et de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ? Le CEES estime que ce projet de décret « satisfait dans ses grandes lignes aux injonctions du Conseil d’État » mais souligne des ambiguïtés. Selon lui, le projet « ne fixe pas la liste « précise » des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps. Au lieu de cela, il complète la liste des techniques entrant dans le champ d’application de la directive 2001/18 en ajoutant à la mutagenèse dirigée, la mutagenèse aléatoire in vitro telle que définie par le Conseil d’État. »
Une consultation du public d’un mois doit être ouverte par le Gouvernement à la suite de l’avis du HCB avant publication du décret.
Directive OGM et mutagenèse, les temps forts
23 mars 2015 - Recours des ONG
Neuf organisations engagent un recours juridique devant le Conseil d’État pour absence d’évaluation des Variétés rendues Tolérantes aux herbicides (VrTH) et réclament un moratoire sur la vente et la mise en culture des colzas issus de ces variétés. Les associations ont déposé ce recours auprès du Conseil d’État car elles n’avaient pas eu de réponse du Gouvernement à ce sujet après l’avoir sollicité en 2014.
3 octobre 2016 - Conseil d’État à la CJUE
Le Conseil d’État adresse quatre questions à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) à ce sujet. Il attend les réponses de l’autorité européenne pour statuer.
25 juillet 2018 - Décision de la CJUE
La Cour de justice de l’Union européenne a tranché : les organismes obtenus par mutagénèse sont désormais considérés comme des OGM, dans la mesure où ces modifications génétiques ne s’effectuent pas « naturellement ». Les organismes obtenus par mutagénèse sont des OGM, soumis aux obligations prévues par la directive 2001/18. La balle retourne dans le camp du Conseil d’État.
7 février 2020 - La mutagenèse intégrée au cadre OGM
Le Conseil d’État juge que les organismes obtenus au moyen des techniques de mutagenèse, apparues ou développées depuis l’adoption de la directive de 2001, doivent être soumis aux obligations imposées aux OGM par cette directive. Cela inclut les techniques de mutagenèse dirigée mais aussi la mutagenèse aléatoire in vitro, utilisées notamment pour rendre les cultures tolérantes aux herbicides.
Le Conseil d’État demande au Gouvernement de modifier sous six mois l’article D. 531-2 du code de l’environnement qui transpose la directive OGM en droit français. Le décret devra déterminer la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps.
Le Gouvernement doit avant cela solliciter le HCB.
Mai 2020 - Le projet de décret à Bruxelles
Le Gouvernement français présente son projet de décret à Bruxelles
2 juillet 2020 - Le décret soumis au HCB
Les Ministres de la Transition écologique et solidaire, de l’Agriculture et de l’Alimentation, et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, pour émettre un avis sur un projet de décret portant modification de l’article D.531-2 du Code de l’environnement.
Le HCB publie son avis sur le projet de décret du Gouvernement. Il estime qu’il n’y a pas de différences biochimiques entre les mutations, qu’elles soient obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro, in vivo, ou spontanément, sur cellules isolées ou entités pluricellulaires.
Août 2020 - Consultation publique et publication
Une consultation du public d’un mois doit être ouverte par le Gouvernement à la suite de l’avis du HCB avant publication du décret.