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Stratégie nationale de biocontrôle : Bruno Ferreira, directeur de la DGAL, répond à Référence agro

Le | Politique

Publiée en novembre 2020, la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle fixe, à travers quatre axes principaux, trente-quatre objectifs pour 2020-2025. Cette feuille de route d’ampleur mérite encore, sur certains points, quelques explications. Référence agro est allé les chercher auprès de Bruno Ferreira, directeur général de l’alimentation au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Stratégie nationale de biocontrôle : Bruno Ferreira, directeur de la DGAL, répond à Référence agro
Stratégie nationale de biocontrôle : Bruno Ferreira, directeur de la DGAL, répond à Référence agro

Référence agro : Quels sont, selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, les objectifs prioritaires de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle et pourquoi ?

Bruno Ferreira : Les objectifs prioritaires sont d’abord d’identifier les conditions de succès sur le terrain des solutions de biocontrôle, en favorisant notamment la combinaison des techniques offertes par la protection intégrée des cultures, qu’elles soient mécaniques, physiques, génétiques, agronomiques ou biologiques afin de parvenir à une utilisation la plus efficace possible des solutions déjà disponibles sur le marché. La découverte de nouvelles solutions de biocontrôle constitue un second objectif de la stratégie de déploiement du biocontrôle. Ceci passera par un soutien important des projets de biocontrôle à tous les stades de développement, de la phase de recherche à l’industrialisation, en passant par la montée en échelle. Des fonds du futur programme d’investissement d’avenir seront spécifiquement dédiés aux solutions destinées à concevoir et piloter des systèmes agricoles durables.

R.A. : Comment (et pourquoi) le Gouvernement envisage-t-il la consolidation de la définition réglementaire française du biocontrôle ? Ne prendre en compte que les produits à risques faibles ne risque-t-il pas d’exclure certaines spécialités ?

B.F. : La consolidation de la définition du biocontrôle permet d’augmenter sa portée juridique et de renforcer par conséquent la visibilité de la réglementation française au niveau européen. Elle offrira également aux industriels un gage de stabilité réglementaire dans leurs stratégies de développement de nouveaux produits. Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation souhaite le maintien des critères actuels utilisés pour définir la liste des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle afin de ne pas impacter la dynamique en cours et ne pas exclure certaines spécialités actuellement disponibles sur le marché. Tous les produits naturels ne sont pas dénués de risque, c’est pourquoi la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle vise les produits naturels comportant des risques faibles.

R.A. : Comptez-vous sur la présidence française de l’UE, de janvier à juin 2022, pour porter une définition européenne du biocontrôle ?

B.F. : La reconnaissance européenne de la notion de biocontrôle figure parmi les objectifs de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle. Lors des 7e rencontres annuelles du biocontrôle le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a réaffirmé son soutien pour une telle reconnaissance. La présidence française du Conseil de l’UE en 2022 constituera une opportunité unique pour y parvenir.

D’autres initiatives favorables au biocontrôle sont portées par d’autres États-membres, notamment le Portugal qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’Union européenne et qui propose de travailler à une harmonisation des réglementations applicables aux agents de lutte biologique.

R.A. : Les trois indicateurs d’évaluation de la stratégie ne concernent que l’offre produits. Pourquoi ne pas mettre en place des indicateurs permettant de suivre le déploiement des utilisations ?

B.F. : Le choix a été fait de retenir des indicateurs primaires facilement accessibles et mesurables. Il n’exclut pas la mise en œuvre d’indicateurs secondaires permettant de suivre l’évolution du déploiement de l’utilisation des produits de biocontrôle à l’image de ceux mis en place dans le cadre du plan Écophyto.

R.A. : Comment comptez-vous obtenir l’adhésion des agriculteurs à une approche technico-économique qui modifie fortement les modes de production conventionnels ?

B.F. : L’adhésion des agriculteurs doit être acquise par la confiance en ces solutions et en ces nouveaux modes de production basés sur la gestion des équilibres des populations de bioagresseurs plutôt que sur leur seule éradication. Des facteurs clés pour parvenir à cette confiance sont la mise en place de démonstrateurs territoriaux, l’inclusion du biocontrôle dans les modules de formation de l’enseignement agronomique et au cœur du conseil rénové, le développement d’un machinisme adapté, la conception d’outils d’aide à la décision, la mise en œuvre d’itinéraires techniques appropriés, qui doivent concourir à démocratiser l’accès de ces techniques fondées sur des mécanismes naturels de régulation. Ces actions, soutenues par la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle et par le plan « France Relance », ont vocation à replacer les sciences agronomiques au centre du modèle décisionnel agricole dans l’objectif de soutenir les agriculteurs dans la transformation de leurs modes de production et de réussir ainsi la transition agroécologique.

R.A. : Ne craignez-vous pas que la séparation du conseil et de la vente des produits phytopharmaceutiques mettent un frein au déploiement des solutions de biocontrôle, les distributeurs étant majoritairement partis sur la vente ?

B.F. : L’entrée en vigueur de la séparation des activités de vente et de conseil depuis le 1er janvier 2021 n’interdit pas aux distributeurs de proposer à leurs clients l’ensemble des solutions de biocontrôle disponibles sur le marché. S’ils ne peuvent plus faire de conseil, les distributeurs peuvent promouvoir et faciliter la mise en œuvre des actions CEPP, comme prévu par l’ordonnance du 24 avril 2019. 40 % environ des actions standardisées concernent des solutions de biocontrôle, représentant environ 200 produits (sur environ 600) inscrits sur la liste mentionnée aux articles L. 253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime.

Cette possibilité offerte par l’ordonnance est clé dans la mesure où ces mêmes distributeurs doivent atteindre le niveau d’obligations notifié fin 2019 pour les ventes de produits phytopharmaceutiques réalisées en 2020 et 2021. Les obligés du dispositif CEPP pourront atteindre leurs objectifs grâce aux produits de biocontrôle dont ils peuvent faire la promotion et faciliter la mise en place, à la différence des produits conventionnels pour lesquels seule une information concernant les conditions d’utilisation et les risques associés reste autorisée.

R.A. : Lors des 7e rencontres annuelles du biocontrôle, Julien Denormandie a affirmé que le biocontrôle devait être associé à une création de valeur pour que la transition soit plus rapide. Comment envisagez-vous cette création de valeur ?

B.F. : Le Gouvernement souhaite accompagner les agriculteurs qui se sont engagés dans une utilisation des produits de biocontrôle en encourageant la valorisation économique de ces pratiques agricoles plus saines et plus durables, grâce par exemple, à une sensibilisation des consommateurs, dont la responsabilité est plus qu’importante pour favoriser une telle transition. La création de valeur pour les agriculteurs doit passer par une meilleure valorisation des productions agricoles à l’aval des filières, notamment dans le cadre de cahiers des charges ou de labels. Aujourd’hui, plus de 2/3 des produits de biocontrôle peuvent par exemple être utilisés en agriculture biologique.