« À croire que le bio dérange ! », Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab
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Référence environnement : Les États généraux de l’alimentation ont été lancés le 20 juillet, et vont se dérouler jusqu’à décembre. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce rendez-vous ?
Stéphanie Pageot : La demande des consommateurs en matière de bio est claire. Distributeurs et transformateurs veulent créer de la valeur à travers le bio. C’est l’occasion de réaffirmer notre intention de mettre l’accent sur le commerce équitable et poser les bases de partenariats pour développer les territoires autour d’une agriculture paysanne. Nous sommes volontaires pour participer. Huit à dix ateliers, sur quatorze, retiennent notre attention et nous souhaiterions proposer des grands témoins.
Initialement, nous étions donc très positifs, mais nous commençons à douter… De plus, étant donné les décisions politiques prises cette semaine, le poids du bio dans ces États généraux nous semble pour le moins incertain.
R.E. : Vous faites référence au transfert de 4,2 % des aides du premier pilier vers le second pilier de la Pac, annoncé par Stéphane Travert le 27 juillet…
S.P. : Nous demandions un transfert des fonds du premier pilier de la Pac vers le second d’au moins 3 % rien que pour le bio. Une mesure indispensable pour que l’État puisse honorer ses engagements et financer les nouvelles demandes d’aides, en conversion et en maintien, sur la 2017-2020. Le dispositif appliqué depuis 2015 a montré ses limites. La plupart des régions qui redistribuent les aides ont déjà consommé leur budget « bio », pourtant prévu pour durer sur 2015-2020.
Or, les 4,2 % annoncés devront financer à la fois les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEc), les indemnités compensatoires des handicaps naturels (ICHN) et les aides à la bio. Ce sera très nettement insuffisant. Les aides à la conversion, et plus certainement celles pour le maintien en bio, sont très sérieusement menacées jusqu’à 2020.
Nous savions que certains acteurs du secteur étaient opposés à notre proposition. Notre inquiétude est confirmée. Nous avons le sentiment que le déploiement du bio dérange, qu’on veut nous mettre des bâtons dans les roues.
R.E. : Autre point d’actualité : la nouvelle réglementation européenne. Malgré le report de décision concernant les points les plus bloquants du texte, la Commission, le Parlement et le Conseil européen cherchent toujours un accord…
S.P. : Nous pensions que les tractations entre instances européennes allaient aboutir mi-juillet, mais le Conseil des ministres européens a finalement ajourné son vote. L’Allemagne ne serait pas satisfaite, et certains points restent donc à discuter. Un nouveau vote serait prévu en septembre ou octobre. Ce processus de négociation a débuté il y a trois ans, et il semblait aboutir à un texte très proche du règlement actuel. Nous nous apprêtions à conclure « tout ça pour ça »… mais on ne peut rien dire tant que le projet continue à évoluer. Sachant qu’il y aura encore du temps entre le consensus et l’application du nouveau règlement. Le processus s’éternise.