« Accompagner les distributeurs face au défi climatique », Fanny Lange, Deloitte
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Le cabinet de conseil Deloitte organisait, le 18 octobre, la cinquième édition de ses Rentrées de l’agroécologie, qui avaient pour thème cette année « Agriculture et changement climatique« ». Fanny Lange, qui dirige la section agri/agro du cabinet de conseil, est revenue sur le rôle de ce dernier dans l’accompagnement des acteurs agricoles, et plus particulièrement de la distribution. Si la mobilisation est réelle, la concrétisation des actions reste encore parfois compliquée, notamment pour des raisons techniques.
Référence agro : Comment le cabinet de conseil Deloitte intervient-il auprès des secteurs agricole et alimentaire ?
Fanny Lange : L’équipe agri/agro chez Deloitte, qui fait partie du pôle « sustainability » (développement durable), a été constituée il y a une dizaine d’années. Elle est constituée d’une vingtaine de personnes, notamment des ingénieurs agronomes. Notre équipe agro est ainsi l’une des plus grosses et structurées dans le monde des grands cabinets de conseil. Nous travaillons avec de nombreux acteurs du secteur agricole, comme les agrofournisseurs, les coopératives, la grande distribution, plus particulièrement sur les enjeux liés à la transition agroécologique. Nous avons aussi des clients externes au secteur, par exemple issus du secteur bancaire, qui souhaitent se positionner sur ces sujets.
R.A. : De quelle manière et sur quels sujets intervenez-vous plus précisément auprès de la distribution agricole ?
F.L. : L’accompagnement de ces structures se fait au cours de missions plus ou moins longues. Nous travaillons avec plusieurs coopératives en direct. Mais ce n’est pas notre seule manière d’interagir avec elles. Lors de travaux avec des acteurs de l’aval, nous impliquons aussi leurs coopératives partenaires. En ce qui concerne leurs demandes, elles ne sont pas très différentes de celles des industries agroalimentaires, car la plupart des coopératives qui s’adressent à nous s’inscrivent en réalité dans des groupes coopératifs impliqués dans l’aval. Leurs attentes portent sur la définition d’une stratégie RSE, d’une trajectoire de décarbonation, d’une feuille de route climat. L’atout des coopératives est qu’elles ont à disposition leur amont agricole, leurs agriculteurs sont au conseil d’administration, c’est un levier non négligeable.
R.A. : Comment élaborez-vous ces stratégies ?
F.L. : Les demandes des clients des coopératives ont un poids croissant. Par exemple, le dispositif SBTI, pour « science-based target initiative », prend de plus en plus de place dans le secteur agroalimentaire. Des groupes comme Nestlé, McCain ou Danone se sont engagés à ce niveau. Ce dispositif, international et volontaire, propose aux entreprises de fixer des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre d’ici à 2050, et de construire une trajectoire personnalisée, afin de leur permettre de respecter l’engagement pris lors de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique sous les 2, voire 1,5 °C. Pour un groupe coopératif, des actions seront à déployer au niveau logistique, énergétique et de l’amont agricole via la mise en œuvre de pratiques comme l’ACS ou l’agroforesterie. Pour que les grands groupes de l’agroalimentaire tiennent leurs objectifs, l’amont doit aussi faire baisser ses émissions. Un phénomène de cascade est en train de se mettre en place, nous observons une réelle mobilisation.
R.A. : Quels défis ou freins restent à dépasser ?
F.L. : Les coopératives sont réceptives, elles voient qu’il y a urgence à agir sur le plan climatique, elles vivent cela au jour le jour. À cela s’ajoutent l’évolution de la réglementation et les demandes des clients et/ou des actionnaires. Mais la mise en œuvre concrète de ces stratégies reste compliquée. Le calcul des surfaces sur lesquelles déployer tel ou tel levier est complexe, et parfois, quand tout est mis bout à bout, les objectifs initialement fixés ne sont pas toujours atteints. Surtout, nous n’avons pas encore toutes les solutions techniques pour atteindre les ambitions fixées pour 2050. 2030, c’est demain, mais entre cette échéance et 2050, il reste encore beaucoup d’inconnues. C’est une situation particulièrement difficile à appréhender pour le secteur agricole.