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Changement climatique : vers une redistribution régionale des cultures

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Le paysage agricole français pourrait être redessiné par le changement climatique dans le moyen et long terme. Le blé et les prairies verront leurs rendements augmenter. En revanche, localement, la vigne, le maïs grain ou encore le pin pourraient souffrir de la sécheresse et de l’augmentation des températures. C’est ce que montrent les résultats du projet Climator qui ont été présentés les 17 et 18 juin lors d’un colloque, co-organisé par l’Inra et Arvalis-Institut du végétal. D’après les modèles utilisés, le changement climatique se traduira non seulement par une augmentation de température (de 1,6°C à 3°C selon le lieu et la période de temps considérée), mais également par une diminution des précipitations, surtout au printemps et en été et dans le Sud-Ouest. L’accélération des rythmes de croissance des plantes permettra aux cultures d’hiver, et en particulier aux céréales, d’échapper, en partie, aux stress hydriques et thermiques de fin de cycle. Globalement, les rendements du blé et des prairies seront légèrement augmentés car pour ces cultures, la fertilisation carbonée de l’atmosphère, pourra à terme compenser les effets néfastes des stress hydrique et thermique (ce qui n’est pas encore le cas actuellement). Les épisodes de gel automnal seront moins fréquents et auront donc moins de conséquences pour les cultures d’hiver, notamment pour le colza. Le maïs-grain poussera dans le Nord de la France La situation la plus préoccupante est sans doute celle du maïs irrigué dans le Sud-Ouest qui, même avec une augmentation de l’irrigation, verra son rendement diminuer à cause du raccourcissement de son cycle. Le recours à des variétés à cycle très long permettrait de compenser ce préjudice mais en augmentant encore les besoins en irrigation, alors que la recharge des nappes phréatiques baissera inéluctablement. Mais de nouvelles régions au climat plus frais pourraient accueillir cette culture. « Si elle sait réagir, la filière pourrait même en tirer profit », estime Nadine Brisson, directrice de recherche à l’Inra d’Avignon et coordinatrice du programme Climator. La variabilité interannuelle du climat reste la première source de fluctuation des rendements. Pour des cultures comme le colza ou le tournesol, elle est telle qu’aucune évolution des rendements ne peut être mise en évidence. Cela est en partie lié au fait que pour ces cultures, il y a une compensation entre les effets bénéfiques du CO2 et les effets préjudiciables du stress hydrique. Avancer les dates de semis Les chercheurs recommandent de privilégier les cultures d’hiver, pour esquiver les périodes de sécheresse. L’avancée de la date de semis peut aussi apporter des résultats positifs. Mais cette stratégie peut rendre la germination plus aléatoire faute d’eau en quantité suffisante dans la couche superficielle du sol. De nouvelles pratiques culturales sont donc à imaginer. Une chose est sûre : « chaque région devra faire des choix stratégiques dans la redistribution des cartes qui s’annonce », conclut Jean-Louis Durand, chargé de recherche à l’Inra. Le projet Climator Le travail réalisé au sein du projet Climator est basé sur des hypothèses. Pour appréhender la diversité des climats français, 13 sites répartis sur l’ensemble du territoire français, ont été choisis, dont un situé en moyenne montagne et un autre en Guadeloupe. Les résultats ont été obtenus en enchainant des simulations climatiques à l’échelle globale puis régionale avec des modèles agronomiques et forestiers. Deux périodes d’intérêt ont été simulées : le futur proche (2020-2049) et le futur lointain (2070-2099) en référence à une période de passé récent (1970-1999). Le projet Climator a été financé par l’ANR, dans le cadre du programme Vulnérabilité, Milieux et Climat (VMC). Il a réuni pendant 3 ans, 17 équipes de 7 instituts et organismes associant ainsi des disciplines variées : climatologie, agronomie, écophysiologie, bioclimatologie, science du sol. Les résultats sont synthétisés dans un livre vert (Ademe Editions). L’engagement de l’INRA face au changement climatique Le changement climatique est une priorité de recherche que l’Institut aborde sous quatre angles complémentaires : la connaissance des émissions et des absorptions de GES par l’agriculture et la forêt en France et dans l’Union européenne, l’analyse des impacts du changement climatique sur ces deux secteurs, leur capacité d’adaptation et le potentiel de réduction des émissions brutes et/ou d’augmentation du puits des secteurs agricole et forestier. Cet engagement se traduit au plan international par la participation de l’Institut à la Communauté de la connaissance et de l’innovation sur la lutte et l’adaptation au changement climatique (« KIC climat »), et à la coordination de la programmation conjointe européenne sur « Agriculture, sécurité alimentaire et changement climatique ».