Charte de riverains en Seine et Marne, « le déclencheur a été une série d’agressions », Cyrille Milard, président de la FDSEA
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Référence environnement : Quelle est l’origine de la charte de riverains construite dans votre département ?
Cyrille Milard : En Seine-et-Marne, l’initiative remonte à un peu plus d’un an. Le vrai déclencheur a été une série d’agressions, plus ou moins graves, à l’encontre d’agriculteurs. Entre exploitants, nous avons essayé de comprendre l’origine de l’incompréhension, et nous avons conclu à la nécessité d’échanger davantage avec nos voisins, de les aider à mieux comprendre notre métier. Les pesticides cristallisent l’essentiel des tensions, et dans le même temps, la loi Égalim a officialisé le concept de charte de voisinage concernant les applications. Tous ces éléments se sont télescopés et nous ont poussé à agir sur ce sujet.
R.E. : Quelles pistes avez-vous travaillé ?
C.M. : Nous avons réfléchi, entre agriculteurs, à ce que nous pouvions faire au-delà de la réglementation, pour apaiser les riverains. La technologie et l’innovation sont nos premiers alliés. Nous avons donc inscrit dans la charte l’utilisation de buses antidérive, quels que soient les produits utilisés. Ainsi que l’emploi d’adjuvants pour alourdir l’eau, soit 95 % des volumes appliqués, pour éviter la dérive.
De plus, au-delà des contraintes météorologiques réglementaires, nous acceptons de complexifier un peu plus le calendrier d’application en traitant à des horaires où les riverains ne sont pas dans les jardins ou en promenade, tôt le matin ou tard le soir. Nous prévoyons aussi de communiquer davantage avec la population, via les conseils municipaux, et l’organisation de réunions de discussions ouvertes.
R.E. : Qui sont les signataires de cette charte ?
C.M. : Nous avons partagé la charte avec les élus locaux. L’Union des maires l’a signée, ainsi que le conseil départemental. La préfète, également signataire, a accepté de jouer un rôle de conciliation ou de médiation en cas de litige entre agriculteur et riverain, comme nous l’avons inscrit dans la charte. Et ce n’est pas fini : l’Union des maires ruraux devrait suivre très prochainement. Nous n’avons pas identifié d’association de riverains en Seine-et-Marne, mais nous sommes en contact avec l’antenne locale de Générations futures. Ses représentants se disent prêts à consulter la charte, et pourquoi pas à la signer ! À suivre…
R.E. : Vous avez finalisé cette charte avant que l’arrêté dédié ne dessine ses contours réglementaires. Allez-vous devoir y retravailler ?
C.M. : En l’état, notre charte ne répond pas à chacun des nombreux critères de l’arrêté. Nous sommes prêts à l’amender, bien sûr. Sans pour autant accepter n’importe quoi, au risque d’être dans l’impossibilité de faire notre travail… Comme l’obligation de prévenir les riverains des traitements 24 heures à l’avance, par exemple. Pour adapter au mieux les traitements, et limiter les applications inutiles ou dans de mauvaises conditions, qui pourraient favoriser la dérive ou le lessivage, nous sommes souvent contraints de revoir le timing de nos chantiers jusqu’au dernier moment…
De plus, à titre personnel, je m’inquiète de voir que ce texte établit comme une certitude que les pesticides, et l’usage que nous en avons, est dangereux. Aujourd’hui, douze chartes sont prêtes. Il devrait y en avoir une trentaine, fin septembre. Mais je crains que cet arrêté ne pousse beaucoup d’acteurs, dans les départements restants, à ne pas opter pour les chartes, préférant s’appuyer sur la règle nationale.