En Normandie, une convention d’affaires agricole sur le carbone
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La chaire « Modèles entrepreneuriaux en agriculture » de l’EM Normandie, organise, le 3 novembre, une convention d’affaires professionnelle dédiée à l’enjeu du bas carbone. Dans un contexte géopolitique complexe, le titulaire de la chaire, Roland Condor, appelle les exploitants à ne pas se détourner de cet enjeu, pour des raisons stratégiques et économiques. Explications.
Informer sur l’enjeu de la décarbonation du secteur agricole et faciliter la mise en relation des acteurs du territoire normand : c’est l’objectif de la convention d’affaires « Fermes bas carbone », organisée ce 3 novembre à Yvetot, en Seine-Maritime. L’événement est porté par la chaire « Modèles entrepreneuriaux en agriculture », MEA, de l’école de commerce EM Normandie (voir encadré) avec ses partenaires Cerfrance et Crédit Mutuel. « Cette journée s’adresse en premier lieu aux agriculteurs, mais aussi aux collectivités et entreprises proposant des services à ce niveau, explique à Référence Agro Roland Condor, le titulaire de la chaire MEA. L’objectif général est de faire un état des lieux de ce qui se fait en matière de décarbonation aujourd’hui et ce vers quoi il faut tendre, mais aussi de faciliter la rencontre des personnes travaillant sur la décarbonation du secteur agricole, et éventuellement aboutir à des contractualisations. »
Prôner la décarbonation dans un contexte tendu
Dans un contexte géopolitique et économique tendu, le titulaire de la chaire reconnaît néanmoins que le sujet de la décarbonation peut être perçu comme secondaire. Il insiste cependant sur son bien-fondé, d’un point de vue stratégique, pour les exploitants, sur le long-terme. « La question de continuer à prôner la décarbonation du secteur face aux conséquences de la guerre en Ukraine est légitime, pose Roland Condor. Nous voyons néanmoins que le prix des engrais continue de monter et qu’il va falloir trouver des alternatives. Cette situation justifie, à mon sens, de continuer de pousser pour la décarbonation du secteur, nous ne devons pas nous arrêter en route maintenant. »
« Nous n’avons pas de lien direct avec les coopératives, mais ce sont des partenariats que nous cherchons à développer au sein de la chaire. Des négociants de la région seront néanmoins présents à la convention d’affaires. »
Roland Condor
Titulaire de la chaire MEA
Une diversification mesurée
Pour Roland Condor, la question à se poser est plutôt celle de la marchandisation de la décarbonation du secteur agricole. « C’était notre interrogation initiale quand nous avons commencé à réfléchir à l’organisation de cet événement, rappelle le titulaire de la chaire MEA. Autrement dit : est-ce que la décarbonation peut être une nouvelle voie de diversification pour les agriculteurs ? C’est une question à laquelle nous allons devoir répondre. » Les premiers éléments bibliographiques réunis par la chaire, tout comme les échos du terrain, ne semblent pas confirmer cette hypothèse. « La tonalité « business » n’est pas celle à mettre en avant, la décarbonation ne sera tout au plus qu’un complément de revenu. Elle sera intéressante en termes de charge et non de chiffre d’affaires pour les exploitants. »
Anticiper les évolutions du marché
Le marché pourrait aussi redistribuer les cartes. « Des entreprises comme Danone ou Sodexo s’engagent fortement sur cet enjeu, ajoute-t-il. Demain, la décarbonation agricole deviendra peut-être une obligation d’accès au marché, ce qui risqueraient de mettre les agriculteurs non engagés sur le bord de la route », prévient Roland Condor.
Un événement à inscrire dans le temps long
Des réflexions qui devraient rythmer les échanges de cette journée. Les interventions sont prévues sur la réglementation et les énergies renouvelables, tout comme des retours d’expériences d’agriculteurs. Des représentants de la Région, du Cerfrance, de Danone, d’I4CE, de GRDF, des GIEE Sol en caux et Carbon’caux sont au programme. Une visite d’une unité de méthanisation est aussi prévue. « L’idée est, à l’issue de cette journée, d’en faire le bilan pour proposer d’autres journées de ce type chaque année et s’inscrire dans le temps long, indique Roland Condor, qui insiste sur le caractère inédit de cette convention d’affaires. Sur le territoire normand, il n’y avait jamais eu d’événement de ce type sur la décarbonation du secteur agricole, et nous n’en connaissons pas ailleurs. »
Les organisateurs de l’événement tablent sur la venue d’environ 150 personnes. 25 exposants sont présents pour échanger avec les agriculteurs.
Une chaire pour étudier les transformations du secteur agricole
Rattachée à l’école EM Normandie, la chaire « Modèles entrepreneuriaux en agriculture », MEA, a été créée il y quatre ans. Elle dispose de deux partenaires mécènes, le Cerfrance et le Crédit Mutuel, et de deux autres partenaires institutionnels, la Chambre d’agriculture de Normandie et la Région Normandie. « Nous avons décidé de nous spécialiser sur l’entrepreneuriat agricole, car nous voyions que les choses bougeaient, qu’il y avait des choses à dire, explique Roland Condor, le titulaire de la chaire. Aucune autre école de commerce n’était sur ce sujet, le terrain n’était pas occupé. » Les actions de la chaire sont regroupées autour de trois volets : la recherche sur les transformations du secteur agricole, la pédagogie pour sensibiliser les étudiants à cet enjeu, l’événementiel avec l’organisation d’initiatives comme la convention d’affaires. Si cette dernière est centrée sur l’enjeu du bas carbone, la chaire travaille aussi sur les sujets des circuits courts, de l’agriculture urbaine ou encore de la méthanisation.
Historiquement basée à Caen et au Havre, l’EM Normandie dispose désormais de campus également à Paris, Oxford, Dublin, Dubaï et prochainement au Vietnam.