Référence agro

« Face à ces attaques, nous restons convaincus de l’importance du projet de territoire du Marais Poitevin », Thierry Boudaud, président de la Coop de l’eau 79

Le | Projets-territoriaux

L’enjeu du partage de la ressource en eau est, depuis de nombreuses années, au cœur de vives tensions dans le Marais Poitevin. Découlant de la signature d’un protocole par des acteurs du secteur agricole et des ONG, la construction de 16 retenues d’eau est sur les rails. Mais des opposants au projet se sont introduits, le 22 septembre, sur le chantier de la première d’entre elles. Explications avec Thierry Boudaud, président de la Coopérative de l’eau 79.

Le chantier de la première des 16 retenues prévues dans le Marais poitevin, à Mauzé-le-Mignon, dans  - © D.R.
Le chantier de la première des 16 retenues prévues dans le Marais poitevin, à Mauzé-le-Mignon, dans - © D.R.

Le premier coup de pelle, donné début septembre, a lancé le chapitre du projet territorial de gestion de l’eau, PTGE, de la Sèvre Niortaise. Après dix ans d’études, de réflexions et de négociations, le chantier, à Mauzé-le-Mignon (Deux-Sèvres), de la première des 16 retenues d’eau prévues sur le territoire du Marais Poitevin, deuxième zone humide de France, a débuté. Pour en arriver là, les choses n’ont pas été simples. « De fortes et nombreuses oppositions se sont manifestées dès le départ, relate Thierry Boudaud, président de la Coopérative de l’eau 79, qui regroupe les 230 fermes et 450 agriculteurs impliqués dans le projet. Cela nous a permis d’amorcer un vrai dialogue et d’expliquer pourquoi le stockage de l’eau est nécessaire, et que la sécurisation de l’accès à l’eau facilite la diversification de l’agriculture. »

Un protocole d’accord pour conditionner l’irrigation

A force de dialogue entre les différents acteurs du territoire, un protocole d’agriculture durable est signé en décembre 2018. C’est un tournant majeur dans l’avancée de la démarche. Celui-ci conditionne l’accès à l’eau des agriculteurs pour l’irrigation à la mise en œuvre de pratiques durables, comme la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, la préservation des paysages et de la biodiversité, la réduction des prélèvements d’eau durant la période d’étiage, la mise en place de jachères, de haies, la protection de berges dégradées, etc. Suite à la réalisation d’un diagnostic sur l’exploitation, par la Chambre d’agriculture, l’agriculteur s’engage à atteindre plusieurs de ces objectifs au cours des cinq prochaines années. « La construction de ce protocole a permis de mettre au clair, pour tout le monde, ce que nous comptions faire de l’eau », explique Thierry Boudaud. En cas de départ à la retraite, les volumes d’eau attribués sont reversés dans un pot commun, auquel les jeunes installés et ceux en agriculture biologique, ont un accès prioritaire.

Trouver des processus de dialogue

Le projet, à construire sur la période 2021-2026, est découpé en trois tranches. La première concerne 60 agriculteurs, qui ont déjà pris leurs engagements. Une deuxième sera lancée à l’automne, puis la troisième début 2022. « Il y a urgence à prendre conscience que, si l’on veut trouver une solution aux conflits d’usage de l’eau, qui ne vont faire qu’augmenter, il faut trouver des processus de dialogue territoriaux. Le partage des connaissances scientifiques est indispensable », plaide Thierry Boudaud. Selon ce dernier, l’agriculture ne pourra pas faire face au changement climatique, sans avancer sur le stockage de l’eau. « Sur notre territoire, les nappes sont très superficielles, et débordent dès qu’il pleut : c’est cette eau qui servira à remplir les cuves. Les 16 retenues représentent un volume de 7 millions de m3. Or, il pleut l’équivalent d’un milliard de m3 en quatre mois. Les impacts sont bien moindres quand l’eau est prélevée en hiver plutôt qu’en été. »

Le chantier attaqué par des opposants

Ces arguments et l’implication de nombreux acteurs dans ce projet n’ont néanmoins pas empêché l’irruption, le 22 septembre, de 600 personnes affiliées à la Confédération Paysanne, et aux organisations Bassines non merci et Soulèvements de la terre, sur le chantier de la première retenue. Elles dénoncent des projets de « méga bassines », qui menaceraient les terres agricoles, les bassins versants et la biodiversité, et assurent qu’elles « [iront] aussi loin qu’il le faudra pour stopper ces chantiers ». Parmi les arguments avancés, le fait que des recours juridiques seraient encore en cours. De fait, un jugement du tribunal administratif de Poitiers, datant de mai 2021, statue sur le fait que les capacités de stockage de neuf des seize retenues d’eau devaient être revues à la baisse, entre 10 et 30 %, au cours des dix prochains mois. « Cela ne concerne cependant pas les sept autres, dont celle de Mauzé-le-Mignon, dont les chantiers ont été autorisés », regrette Thierry Boudaud. Ce dernier précise que la trajectoire de consommation d’eau sur le territoire concerné par les retenues, prévoit de passer de 24 à 12 millions de litres d’eau. Certaines associations à l’origine de ce recours, dont FNE, se sont par ailleurs depuis retirées du contentieux, dans le cadre du protocole d’accord.

S’ils condamnent « fermement » cette attaque, les partenaires restent déterminés. « Nous voulons rester calmes et lucides, nous sommes convaincus de l’importance d’un tel projet de territoire », conclut le président de la Coop de l’eau 79. Des dépôts de plainte sont en cours, et les travaux ont repris sur le chantier. De leur côté, les opposants au projet ont d’ores et déjà appelé à de nouvelles journées de mobilisation.