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Le Grand Est, les Hauts-de-France et la Normandie main dans la main pour accélérer sur les protéines végétales

Le | Projets-territoriaux

À la manœuvre des premières assises inter-régionales sur les protéines végétales, organisées à Lille le 16 février 2023, les Régions Grand Est, Hauts-de-France et Normandie ont rappelé leur engagement pour participer au déploiement de ces cultures. De nombreux défis restent néanmoins à relever, notamment pour structurer ces filières et assurer leurs débouchés. Les trois Régions qui, ensemble, composent le territoire leader sur ces cultures au niveau de l’UE, n’ont pas caché leur détermination pour y parvenir.

De nombreux acteurs de la recherche sont intervenus lors des Assises inter-régionales sur les protéi - © D.R.
De nombreux acteurs de la recherche sont intervenus lors des Assises inter-régionales sur les protéi - © D.R.

Les trois Régions s’étaient engagées à collaborer pour développer la culture des protéines végétales, aux côtés de Bioeconomy for change et Protéines France, lors du Salon de l’agriculture 2022. Un an plus tard, les vice-présidents en charge de l’agriculture du Grand Est, des Hauts-de-France et de Normandie, ainsi que de nombreux représentants des secteurs de la recherche, de l’industrie, de la transformation ou des institutionnels étaient réunis à Lille, pour des Assises inter-régionales dédiées aux protéines végétales et les nouvelles sources de protéines. « Nos trois régions représentent l’essentiel de la production française de protéines végétales, et composent le premier territoire européen en la matière, rappelle Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l’agriculture des Hauts-de-France. Si pour certaines culturs nous sommes leaders, nous pouvons encore gagner du terrain pour d’autres, comme le chanvre ou les légumineuses. »

Pour favoriser l’émergence de projets communs, un appel à manifestations d’intérêt a ainsi été officiellement lancé ce jour. « Cette journée doit nous permettre de détecter les besoins des acteurs de terrain et faire passer le message que nous sommes intéressés pour financer de nouveaux projets », glisse Marie-Sophie Lesne.

La question économique toujours centrale

En face de ces ambitions, un constat a rapidement été évoqué : celui du recul significatif de ces cultures depuis quelques décennies et la méfiance actuelle dont elles font parfois l’objet, compte tenu d’itinéraires techniques complexes dans un contexte climatique changeant, et de débouchés pas toujours structurés. « Travailler à trois doit permettre de redonner confiance, mais nous ne devons pas oublier les aspects économiques », avertit ainsi Clotilde Eudier, vice-présidente en charge de l’agriculture en Normandie. Ses collègues et elle insistent ainsi sur l’enjeu central de la valorisation de ces filières. « Ces productions n’ont pas reculé uniquement pour des raisons techniques, nous devons trouver des éléments de rémunération », tient à souligner Philippe Mangin, vice-président en charge de la bioéconomie du Grand Est. Ce dernier rappelle ainsi que, si les surfaces de pois sont aujourd’hui, en France, de 200 000 hectares, celles-ci ont pu dépasser le million par le passé. « Les protéines végétales sont l’un des plus forts leviers pour réussir les transitions que nous nous essayons d’initier : décarbonation, alimentaire, etc., poursuit-il. Les crédits carbone peuvent être une piste de valorisation des cultures, pour aussi relancer leur implantation. »

Mettre des usines au bout des champs

Reste à boucler la boucle. Car, sans distribution du produit de ces cultures, pas de rémunération. « Il n’y aura pas de production sans logistique, nous avons besoin d’usines au bout des champs, pour contractualiser la vente de ces protéines, lance Marie-Sophie Lesne. La structuration de la filière, de l’amont à l’aval, pourrait par ailleurs permettre, selon elle, de davantage transformer ces protéines , et ainsi élargir la cible de consommateurs potentiels. Une étude de Protéines France, diffusée en décembre 2022 et dont les enseignements principaux ont fait l’objet d’une présentation lors des Assises, identifie en effet la question du goût et des difficultés à les cuisiner en tant que freins à la consommation de protéines végétales.

Identifier et cartographier les bassins de productions

Du côté de la recherche, de nombreux projets sont mis sur pied pour tenter d’accompagner et dynamiser le développement des cultures de protéines végétales. Parmi ceux présentés le 16 février, plusieurs ont fait le choix de « spatialiser », autrement dit de définir au mieux les territoires les plus propices à l’implantation de protéines végétales, pour limiter le risque y étant associé. C’est par exemple le cas du projet Arpeege dans le Grand Est, mené par la Chambre régionale d’agriculture. « Face à la dégradation récurrente de l’autonomie fourragère dans la région, nous avons choisi de faire un état des lieux des ressources pouvant être produites sur le territoire », explique Maeva Weens, chef de projet autonomie azotée et protéique à la Chambre. Une carte du potentiel de production de soja dans le Grand Est a été produite, permettant d’identifier des bassins de production. 14 % de la SAU régionale seraient ainsi favorables à cette production. Une carte a également été réalisée pour la luzerne.

Une démarche similaire a été opérée dans le cadre du projet Proveg, mené en Normandie. « L’objectif était d’évaluer et spatialiser le potentiel de cultures riches en protéines mais peu implantées dans la région, à savoir la féverole, le pois, le lupin, la lentille et le quinoa », explique Wassila Riah-Anglet, chargée de recherche à UniLaSalle Rouen. Une trentaine d’agriculteurs ont été mobilisés, en partenariat avec CerFrance, Natup et la Chambre régionale. Les résultats montrent que le plus fort potentiel serait dans l’Eure. Des approfondissements pour le pois et la féverole sont prévus.

Les agriculteurs demandeurs de conseil

Face à l’ensemble de ces défis, quel rôle pour le conseil agricole ? « Nous l’avons vu, tout le monde se retrousse les manches sur le sujet, insiste Philippe Mangin. Les agriculteurs sont néanmoins plus que jamais demandeurs de conseil pointu. Ce n’est cependant pas le conseil qui manque », assure-t-il, en évoquant les défis logistiques et de structuration mentionnés plus tôt. En Normandie, un chèque conseil agricole a été mis en place au début des années 2010. « Si ce travail porte ses fruits, peut-être pourrions-nous dupliquer cette initiative dans d’autres régions, ou faire un chèque conseil protéines végétales, pour mieux appréhender les conséquences, sur une exploitation, de l’implantation de ces cultures », glisse Clotilde Eudier. Pour sa part, Marie-Sophie Lesne rappelle l’entrée en vigueur, dans la nouvelle Pac, d’une Maec « Transition des pratiques », qui peut subventionner la culture de protéines végétales.

Aller vers une animation plus structurée

D’ici au prochain rendez-vous sur ce format, dans trois ans, les acteurs institutionnels, de terrain et de la recherche ont donc du pain sur la planche. « Nous ne partons pas de rien, le but n’est pas de refaire des études mais de mobiliser tout ce qui a déjà été fait », résume Clotilde Eudier. Parmi les perspectives évoquées, celle d’inclure l’Île-de-France dans la collaboration interrégionale, ou de davantage donner la parole aux acteurs de la recherche génétique. « Nous n’avons peut-être pas assez souligné le vecteur de rentabilité que les variétés représentent, conclut Marie-Sophie Lesne. La recherche doit avancer pour que les agriculteurs voient plus rapidement l’intérêt de ces cultures. Les fonds mobilisés dans des appels à projets sur les protéines végétales partent très vite, aux niveaux régional comme national. N’attendons pas plus longtemps d’autres impulsions ! » Sur le terrain, les attentes sont fortes. « Aller plus loin en lien avec les acteurs économiques, de la recherche, du conseil, structurer l’animation, voilà ce qu’il reste à faire ! », appelle Maeva Weens de la Chambre du Grand Est.