Les zones soumises à contraintes environnementales illustrent le dilemme environnement-économie
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Les zones soumises à contraintes environnementales, ZSCE, engagent les agriculteurs à mettre en place des actions volontaires pour atteindre un résultat donné, sous peine de se voir imposer des mesures contraignantes. Un outil dont la mise en œuvre brille par son hétérogénéité. Lors de leur audition, fin octobre, par la mission d’enquête sur l’échec des plans Écophyto, plusieurs agences de l’eau ont témoigné de leur expérience en la matière.
En Bretagne, la révision de l’arsenal législatif pour lutter contre la prolifération des algues vertes, imposée par la justice, a notamment abouti à la mise en œuvre de zones soumises à contraintes environnementales, en 2022. Le principe de ce dispositif plutôt méconnu est d’inviter les exploitants à déployer des actions volontaires pour atteindre des objectifs de résultat, sous peine de voir ces mesures devenir contraignantes. Un outil dont l’agence de l’eau Adour-Garonne s’est saisi résolument. « Depuis six ans, nous conditionnons nos aides à la mise en place de ZSCE », explique Guillaume Choisy, le directeur général de la structure, à l’occasion de son audition par la commission d’enquête sur l’échec des plans Écophyto, le 26 octobre 2023.
Un système « globalement bien accepté » en Adour-Garonne
Pour justifier cette stratégie, Guillaume Choisy évoque le constat « non satisfaisant » des actions volontaires menées sur les aires de captage. « Nous n’arrivions pas à massifier, pose-t-il. Nous avons peut-être un peu tordu le bras à l’État pour mettre en place cette conditionnalité. Nous n’avions pas le soutien de l’ensemble des préfets de bassin. Mais face au risque de fermetures de captages, chacun s’y est mis. Aujourd’hui, le système est globalement bien accepté, car il permet d’avoir un cadre commun qui n’est pas très contraignant au départ, mais engage tous les agriculteurs dans une même dynamique. »
Les ZSCE jamais mises en œuvre en Artois-Picardie
Dans d’autres territoires, la difficulté à mettre en place ce type de dispositif empêche tout simplement son déploiement. C’est le cas notamment dans le bassin Artois-Picardie, comme le déplore le président de l’agence de l’eau locale : « Les ZSCE existent mais n’ont jamais été mises en œuvre ici », regrette Thierry Vatin. Selon lui, cet outil répondrait cependant à un véritable besoin. « La pollution de l’eau est un sujet fort dans notre territoire, où 85 % de la SAU est consacrée aux grandes productions de l’industrie agroalimentaire, notamment la pomme de terre, souligne-t-il. Malgré le plan Écophyto, nous avons observé une hausse significative des quantités de pesticides dans le bassin. En dix ans, 50 M€ ont été investis, et le résultat est quasi nul. »
La crainte de la perte de revenu
Pour expliquer la non-activation de ce dispositif sur son territoire, le président de l’agence de l’eau Artois-Picardie met en avant des raisons économiques. « Dans notre bassin, les pollutions sont essentiellement d’origine agricole et les collectivités ont du mal à mettre en place des politiques contraignantes, poursuit Thierry Vatin. Changer de production pour des cultures à bas niveaux d’intrants équivaudrait à d’énormes pertes en termes de revenu agricole, alors que les productions industrielles en place sont très rentables. Les cahiers des charges des industries agroalimentaires sécurisent la production mais intègrent des niveaux de passages de phytos au-delà du raisonnable. En raison de cette question économique, personne n’ose mettre la pression en déployant des ZSCE. »
Compenser la transition vers des systèmes plus durables
L’agence de l’eau Artois-Picardie a tout de même décidé de changer de stratégie, et mise désormais sur une politique de résultats, et non plus de moyens. Dans ce cadre, des travaux ont été engagés avec la Draaf, les préfets de bassin et de région, autour de la mise en place d’un dispositif pour compenser les pertes économiques en cas de transition vers des cultures à bas niveaux d’intrants, moins rentables. « L’incitation ne fonctionne pas, il faut une carotte un peu plus forte », défend Thierry Vatin.