Projet alimentaire territorial et bénéfices environnementaux, c’est prouvé !
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Dans son travail de thèse, financée par l’Ademe, Andrea Lulovicova prouve l’efficacité environnementale des politiques alimentaires territoriales (PAT), bien au-delà des circuits courts ou du bio dans les cantines. Elle a utilisé l’analyse de cycle de vie territoriale, ACV-T, une méthode encore jamais utilisée pour l’évaluation des politiques alimentaires. Explications.
Est-ce que les Projets alimentaires territoriaux, PAT, sont bons pour l’environnement ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre Andrea Lulovicova, géographe, qui mène une thèse au laboratoire Espace de l’université Côte d’Azur, financée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Ademe. « L’impact environnemental des PAT reste à confirmer, indique-t-elle. Prendre en compte uniquement le développement des circuits courts, soit une diminution des kilomètres alimentaires, est bien trop réducteur. »
La chercheuse a créé une méthodologie pour comparer les systèmes alimentaires avant et après les PAT. La méthode a été testée sur la commune de Mouans-Sartoux, qui compte 9500 habitants, dans le sud-est de la France. « Il fallait un territoire qui avait déjà bien engagé sa transition, justifie la géographe. Or, cette commune a lancé sa politique alimentaire il y a vingt ans. »
Un changement de régime alimentaire des habitants
L’étude a porté sur les cinq dernières années. Les résultats ont été analysés durant l’été 2022 et publiés en mars 2023 dans la revue Sustainability. « Le résultat le plus prononcé est le changement de régime alimentaire des habitants, parfois de manière importante, explique Andrea Lulovicova. Ils mangent moins de viandes rouges et de charcuteries, boivent moins d’alcool. La consommation de produits ultra-transformés a également baissé de 40 %. En parallèle, la consommation de fruits, légumes, légumineuses et noix a augmenté. Ces changements de comportement ont un impact sur l’environnement. »
L’ACV-T utilisée pour la première fois pour évaluer des politiques alimentaires
Pour calculer cet impact, la méthode de l’analyse de cycle de vie territoriale, ACV-T, a été utilisée. Elle évalue l’éco-efficacité de toutes les activités de production et de consommation situées sur le territoire. « Elle n’avait jamais été utilisée pour l’évaluation des politiques alimentaires », précise-t-elle. Quatre catégories d’impact ont été modélisées : le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources fossiles, la consommation d’eau, et l’utilisation des terres.
Les résultats montrent que pour les 9500 habitants de Mouans-Sartoux, les émissions de GES du système alimentaire de la ville ont diminué de 19 % (économie annuelle de 3 660 702 kg éq CO2). Cela est notamment du à la baisse de la consommation de produits carnés ainsi que des aliments ultra-transformés. L’usage des énergies fossiles a été réduit de 11 % (soit 308 247 kg d’équivalent pétrole), celui de l’eau de 7 % (économies de 20 192 m3 d’eau douce par an), et celui du sol de 19 % (3 015 406 m² de terres non artificialisées en moins).
Faire ses courses à vélo
« Pour les indicateurs de changement climatique et d’énergie fossile, l’évolution du mode de transport utilisé pour faire les courses alimentaires vers le vélo est le troisième levier, comptant pour 4 % et 16 % de la réduction de l’impact global, continue Andrea Lulovicova. Soient des économies de 150 et 44 téq CO2. » Si l’augmentation de la consommation de produits biologiques a considérablement réduit l’utilisation des énergies fossiles et des gaz à effet de serre, elle a toutefois légèrement augmenté l’utilisation des terres et de l’eau pour la production de pommes et de pêches. « C’est un bémol de l’ACV, qui parfois favorise les systèmes plus intensifs, précise la chercheuse. L’unité fonctionnelle de kg/produit est désavantageuse pour les systèmes biologiques qui sont plus extensifs et produisent en moyenne des rendements inférieurs. »
L’intervention de la collectivité est efficace
Globalement, les changements partiellement ou directement influencés par la stratégie alimentaire locale de Mouans-Sartoux, dans le cadre du PAT, ont contribué à réduire jusqu’à un cinquième l’impact environnemental du cycle de vie du système alimentaire local. « Les résultats démontrent l’efficacité environnementale de l’intervention de la collectivité en matière alimentaire, insiste la géographe. Certes, l’expérience de Mouans-Sartoux n’est pas transposable partout. Mais les enseignements que nous pouvons en tirer contribuent à la compréhension de la dynamique des impacts environnementaux de la mise en œuvre des politiques locales. Les résultats démontrent que les conséquences environnementales des politiques alimentaires locales vont bien au-delà des kilomètres alimentaires réduits, des modifications du menu des cantines scolaires ou des indicateurs locaux observés. »